🏝 Faire face : « Et vlan! Me tombe dessus, soudain, le dĂ©couragement. » Deux dans l’üle #17

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© R&Z

L’eau est cette semaine omniprĂ©sente dans les pensĂ©es de ZoĂ©. Que ce soit sur ou autour de l’üle, le prĂ©cieux liquide sollicite les Ăźliens et rend saillante leur position d’éternels apprentis.

Plus Ă©vasif que le dernier article de Robin, pas possible, si? Je vais tĂącher de remĂ©dier Ă  ce flou artistique qui me semble presque ĂȘtre un acte de cruautĂ© envers ceux qui s’acharnent Ă  suivre, semaine aprĂšs semaine, le fil de nos aventures. Et en fait ça m’arrange, parce que cette semaine je sĂšche, rien ne me vient, rien Ă  dire: tout va bien, ça me coupe la chique


Robin dĂ©tache le bateau aprĂšs quelques courses faites sur le continent tandis que je l’attends sagement sur le quai.
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Les crises de dĂ©sespoir, il y en a sur cette Ăźle. Il y en a eu pas mal les premiĂšres semaines, et puis elles se sont faites moins rĂ©currentes grĂące Ă  la combinaison d’un temps clĂ©ment et de notre familiarisation avec ce qui nous entoure. Mais comme l’a dit Robin, la semaine derniĂšre, coup de massue sur l’un comme sur l’autre. On s’est fait surprendre
 Moi, j’étais toute guillerette du soleil qui reparaissait chaque matin, inlassablement, me laissant imaginer ma peau Ă  la fin de l’étĂ©, plus bronzĂ©e que jamais dans ma vie. J’étais pleine d’allant grĂące au livre tout juste terminĂ© et qui m’avait tant plu, et pleine de reconnaissance face Ă  l’apaisement que cette lecture m’avait apportĂ©. Et vlan! Me tombe dessus, soudain, le dĂ©couragement. Ca s’est fait progressivement. Insidieusement s’installe la frustration, que l’on ne veut pas voir et qui, d’un coup, d’un seul, dĂ©ploie ses ailes et m’envoie au tapis.

Je fais le tour des chemins, mon rĂąteau miniature Ă  la main, Ă  la recherche des tuyaux perdus.
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Jeu de piste

D’abord, cela fait plusieurs jours que je suis la piste du circuit d’irrigation installĂ© par notre prĂ©dĂ©cesseur, long de plusieurs centaines de mĂštres et biscornu comme pas possible. Je ne parviens pas Ă  colmater tous les trous dont il est criblĂ© et qui font grimper notre consommation d’eau de plus de 1 000 litres d’eau par jour. Ça me semble gigantesque. Je passe et repasse le long du circuit, guettant les jaillissements trop importants. J’use plusieurs rouleaux de scotch (un spĂ©cial, dĂ©diĂ© Ă  cet usage), visiblement en vain

Bien sĂ»r, il faut songer que, pas encore tout Ă  fait rodĂ©s Ă  notre nouvelle vie, nous n’achetons ce dont nous pouvons avoir besoin qu’en un exemplaire, nous pensons encore Ă©conome. J’ai donc en stock un rouleau de scotch. Quand le rouleau se tarit alors que je ne me suis pas attaquĂ©e Ă  la moitiĂ© des fuites, il faut retourner au magasin, sur le continent. A chaque fois, c’est au moins une demi-journĂ©e de perdue
 Et comme j’ai la tĂȘte dure, ou de linotte, au choix : je n’en tire pas de leçon, je rachĂšte un rouleau de scotch, un seul. Et Ă  nouveau, il ne suffit pas. Et Ă  nouveau, je dois interrompre ma mission et y revenir, peut-ĂȘtre, le lendemain, une fois revenue d’un nouveau voyage au magasin de bricolage. Et le lendemain, j’ai un peu oubliĂ© oĂč sont les trous rĂ©calcitrants, et il me faut recommencer, cent fois me semble-t-il, le mĂȘme travail. Tout ça sans rĂ©ussir Ă  parvenir Ă  mes fins.
Donc un, non des, petits coups portĂ©s au moral, mais ça va
jusqu’à ce qu’au retour d’un de ces fameux voyages, le moteur du bateau ne rĂ©ponde plus. Il ne veut plus monter ni descendre, il ne dĂ©marre plus. On appuie sur tous les boutons, on tourne la clĂ© cinquante fois, on ferme l’arrivĂ©e d’essence, on la rouvre, on essaie tout ce qui nous passe par la tĂȘte: rien. Putain
 qu’est-ce qui se passe? D’autant que, si vous avez bien suivi, ce que nous utilisons, c’est le deuxiĂšme bateau: le premier est en rĂ©paration depuis mi-mars et nous avons appris la veille qu’il allait certainement finir Ă  la casse, les rĂ©parations coĂ»tant plus cher que le bateau. Alors notre bateau de secours qui crĂšve le lendemain de cette nouvelle qu’on apprĂ©hende un peu d’annoncer Ă  notre patron, c’est pas sympa!

Abracadabra

HonnĂȘtement, habituellement, quand il y a un problĂšme avec le bateau, je laisse la barre Ă  Robin. Ca ne m’intĂ©resse pas, vraiment pas. En fait, rien que d’y penser, ça me fatigue
 Mais au moment oĂč le bateau nous lĂąche, Robin a un article Ă  Ă©crire donc je m’y colle. Mais je me colle Ă  quoi? Le bateau c’est du chinois pour moi. Je fais le tour, je regarde ce foutu bateau en espĂ©rant qu’un signe me soit envoyĂ© du ciel, qu’une lumineuse rĂ©miniscence des conseils de notre prĂ©dĂ©cesseur surgisse des trĂ©fonds de mon esprit brumeux, allez, un petit Ă©clair de gĂ©nie, s’il vous plaĂźt! Rien, Ă©videmment.
J’ouvre le capot du moteur tout en me demandant ce que j’espĂšre: je ne sais pas Ă  quoi doit ressembler un moteur qui marche, je peux donc bien regarder celui-ci, tenter de suivre chacun des fils qui en part pour voir s’ils vont bien oĂč ils sont censĂ©s aller
 je n’ai pas idĂ©e d’oĂč ils sont censĂ©s aller. Pourtant, il faut trouver quelque chose. J’y crois un peu. J’abandonne le moteur, vraiment trop complexe, et me tourne vers la batterie. Tiens, l’une des cosses me semble fragile, rongĂ©e par la rouille. Allez, ça doit ĂȘtre ça. Internet ne me contredit pas: une cosse rouillĂ©e mĂšne au court-circuit. C’est donc ça! Et me voilĂ  donc partie chercher les outils qui me permettront de dĂ©rouiller ce qui l’est et de refixer le tout. Rien que ça, chercher les outils qui vont m’aider, me demande un bon moment. Parce que je ne sais pas ce dont j’ai besoin. C’est de l’improvisation totale, je sais que je fais n’importe quoi, pour faire quelque chose, espĂ©rant un miracle sans vraiment oser me l’avouer.
Alors que je m’escrime Ă  rĂ©parer ce que j’ai mis Ă  jour, Robin refait surface, l’article est envoyĂ©. On change de stratĂ©gie, la mienne ne fonctionnant pas, nous allons tenter de souder la cosse au « fil Â» ? Je ne sais toujours pas comment s’appelle ce sur quoi nous avons travaillé  On va souder mais on ne sait pas non plus Ă  quoi ressemble une soudure qui fonctionne, c’est-Ă -dire qui permette de bien coller le « fil Â» Ă  la cosse. Plusieurs essais infructueux et puis, enfin, ça a l’air de tenir ensemble
 Pas d’explosion de joie pour autant, notre exploit n’a aucun effet sur le moteur. Le soir tombe, nous n’avons pas avancĂ© d’un iota dans la rĂ©solution de ce problĂšme, nous rentrons chez nous le moral dans les chaussettes face Ă  notre incapacitĂ© Ă  rĂ©gler les problĂšmes, pourtant rares, qui se prĂ©sentent Ă  nous. Des nuls


Le fameux. © R&Z

Concluons

Le lendemain, on rĂ©essaie de bidouiller quelques trucs sans plus d’effet. On re-laisse tomber. Re-moral dans les chaussettes, je m’en retourne vers mes fuites. Robin, lui, s’attĂšle au passage du karcher sur la cale pleine d’algues et dangereusement glissante. Il salue au passage un marin dont le bateau est attachĂ© Ă  cĂŽtĂ© du nĂŽtre qui lui dit qu’il attend un mĂ©canicien. Quelle aubaine! Ce n’est pas tous les jours qu’un mĂ©canicien se dĂ©place
 et en voilĂ  un qui nous tombe dans les bras. Il repĂšre le problĂšme en 15 secondes: le moteur du trim est HS. Je vous passe les explications mais on s’est tout de suite sentis plus lĂ©gers. C’est idiot mais savoir d’oĂč vient le problĂšme, mĂȘme si le problĂšme persiste, ça soulage Ă©normĂ©ment. On se sent moins bĂȘte. On se dit qu’il y a vraiment un problĂšme et que ça ne vient pas seulement de nous.

 â–ș Deux dans l’üle : l’intĂ©grale

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