🏝 Éloge de l’élan. Deux dans l’üle #21

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ZoĂ© aime flĂąner et tente Ă  sa maniĂšre une ode Ă  la tergiversation. DĂ©barrassĂ©e de sa connotation pĂ©jorative habituelle, la tergiversation peut ĂȘtre une façon de savourer l’instant. Il s’agit pour ZoĂ© de prendre le temps de soupeser chaque chose. La vie prend du temps, nous dit-elle.

Halte-lĂ !

Il y a des jours, on n’en rame pas une. On glande, on prend notre temps, et celui-ci passe vite. J’ai dĂ©jĂ  racontĂ© mon petit-dĂ©jeuner, lascif, durant lequel mes oreilles se dĂ©lectent des divers cris d’oiseaux qui s’égrĂšnent dans mon dos et me donnent l’impression de vivre dans une contrĂ©e vraiment sauvage, un genre de jungle! Je ne sais pas quel bruit fait la jungle mais je l’imagine riche en sonoritĂ©s entĂȘtantes, sautant de l’aigu au suraigu, un caquĂštement tout proche rĂ©pondant Ă  son cousin perchĂ© un peu plus loin et partout le mystĂšre car les sources de ce bruyant voisinage restent, malgrĂ© nos efforts, indiscernables. C’est ce que je vis chez moi lorsque j’ai le nez levĂ© vers les cimes des arbres, Ă  la recherche des premiĂšres incursions du soleil au sein des frondaisons. En rĂ©alitĂ©, je ne cherche pas les oiseaux, je sais oĂč ils sont, derriĂšre moi, derriĂšre la maison, sur un Ăźlot qui sert de nid Ă  plusieurs communautĂ©s d’oiseaux, dont des mouettes Ă©videmment, qui s’interpellent les unes les autres pour mon plus grand bonheur. Je les sais lĂ  et en mĂȘme temps je n’y crois pas. Les cris sont trop puissants, trop nombreux, trop Ă©tonnants pour qu’ils proviennent vraiment de ce gros rocher nidifiĂ©. Non, ce doit ĂȘtre une jungle, plutĂŽt. 

Quand elles dĂ©tectent un indĂ©sirable Ă  l’approche de leur nid, les mouettes de la jungle usent de leur langage secret mais perçant pour effrayer la plus hardie des rĂȘveuses. © R&Z

Divagation adorĂ©e du petit-dĂ©jeuner parfois suivie d’une douche, d’un peu d’ordinateur, et puis
 il est dĂ©jĂ  midi! Alors il faut faire Ă  manger, puis manger, puis se reposer un peu pour digĂ©rer. Pour digĂ©rer, dis-je, mais il s’agit surtout de se dĂ©lecter des heures les plus chaudes du jour, Ă©talĂ©e dans l’herbe, toute mon attention portĂ©e sur la caresse du soleil sur ma peau. 

Digression

Ah oui! Parce que ça y est, c’est l’étĂ©! AprĂšs un Ă©pisode Ă©trange durant lequel la France entiĂšre, toutes les antennes, focalisĂ©es sur la canicule, nous rabĂąchaient les prĂ©cautions d’usage sous ces tempĂ©ratures extrĂȘmes tandis que nous vivions, nous, Bretons, dans le froid et l’humiditĂ©. J’insiste, il a fait froid! AprĂšs cet Ă©pisode Ă©trange donc durant lequel je me demandais si nous habitions bien toujours le mĂȘme pays que ces « caniculĂ©s » tant nos rĂ©alitĂ©s respectives semblaient diverger. AprĂšs cet Ă©pisode Ă©trange, vraiment
 le soleil est reparu! Il est lĂ  depuis plusieurs jours maintenant et ne semble pas prĂȘt de nous quitter. Je m’en mĂ©fie cependant et travaille avec beaucoup de rigueur Ă  tirer de lui chaque seconde de chaleur qu’il veut bien me prodiguer. Pour l’honorer, et mettre Ă  profit le luxe d’une vie sur une Ăźle privĂ©e, je vaque Ă  toutes mes occupations avec le moins possible d’habits. C’est un peu contraignant lorsqu’il s’agit d’éclaircir un roncier mais je prĂ©fĂšre me contorsionner face Ă  ces lianes acĂ©rĂ©es plutĂŽt que de me contraindre Ă  enfiler un tee-shirt. Gants de travail, culotte, sandales, voilĂ  ma tenue favorite.

Invitation Ă  l’émerveillement, le soleil du soir chatouille les pelouses qu’il nous faudra bientĂŽt tondre mais qui, pour l’heure, dansent sous le vent. © R&Z

Détournement de fond

Bon, c’est l’étĂ© mais reprenons le fil de cette journĂ©e dĂ©bordĂ©e. On Ă©tait rendu Ă  la sieste digestive. Pour se dĂ©lester des vapeurs du sommeil, un petit cafĂ©. Mais dĂ©jĂ , ou presque, c’est l’heure de l’apĂ©ritif, qui dĂ©bouche sans surprise sur le dĂźner. Et voilĂ  le soir, nouveau moment de contemplation. Je m’assied. Non plus, comme au petit-dĂ©jeuner, face au joli jardin qui borde notre maison, mais face Ă  la mer sur laquelle la lumiĂšre s’attendrit. La journĂ©e est passĂ©e sans qu’on ait rien fait, mais sans qu’on ait non plus eu le temps de faire quoi que ce soit. Une journĂ©e chargĂ©e, vorace, sans trop de pensĂ©es mais pleine de sens.

La fameuse tendresse lumineuse dĂ©chiquette l’horizon. Comment? La tendresse, vous ĂȘtes sĂ»r? Ah, oui. © R&Z

L’idĂ©e, au dĂ©part de cette tirade, Ă©tait de revenir sur ma journĂ©e d’aujourd’hui qui, contrairement Ă  celle que je viens de dĂ©crire, Ă©tait bien remplie. Bien remplie de travail, j’entends. Je voulais partir de la prĂ©sentation rapide d’une journĂ©e d’oisivetĂ© pour introduire le vrai sujet de ce papier, sa rivale. Et puis, comme lorsque je pars m’affairer sur l’üle Ă  une tĂąche donnĂ©e, je m’arrĂȘte en chemin et suis l’idĂ©e qui a surgi: au travail comme ici, je m’éparpille. Et j’aime ça, beaucoup, mais force est d’admettre qu’en laissant tout en plan, Ă  moitiĂ© commencĂ©, Ă  moitiĂ© terminĂ©, je n’avance pas bien vite et ai un peu l’impression de rĂ©pĂ©ter inlassablement les mĂȘmes Ă©lans sans jamais en venir Ă  bout. En ira-t-il de mĂȘme, vraiment, du prĂ©sent papier? Et bien oui, c’est fini pour aujourd’hui.

â–ș Deux dans l’üle: l’intĂ©grale

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