đ Une vie de solitude et de labeur? Deux dans lâĂźle #22
ZoĂ© Ă©tant partie quelques jours Ă la capitale, Robin expĂ©rimente briĂšvement la vĂ©ritable solitude sur son Ăźle chĂ©rie. L’occasion pour lui de se laisser prendre par un nouveau rythme et de prendre du recul sur sa maniĂšre de « travailler ».
Qu’est-ce qu’il est bon d’ĂȘtre seul, parfois! Ou plutĂŽt devrais-je dire: qu’est-ce qu’il est bon d’ĂȘtre seul quelques jours, lorsqu’on sait que l’on sera rejoint sous peu par ses proches! Cela peut paraĂźtre Ă©trange de la part d’un p’tit gars de la ville comme moi parti vivre sur une Ăźle inhabitĂ©e, d’autant que ce n’est pas la premiĂšre fois que je me retrouve entiĂšrement seul sur mon bout de caillou. Mais en vĂ©ritĂ©, la solitude vĂ©cue jusque lĂ n’a rien Ă voir avec celle que j’expĂ©rimente depuis peu. AprĂšs cinq jours Ă vaquer Ă mes occupations sans ZoĂ© ni personne d’autre Ă mes cĂŽtĂ©s, je prends peu Ă peu conscience des effets bĂ©nĂ©fiques (ou non) de cette solitude, Ă commencer par cette capacitĂ© que j’ai Ă m’observer agir.
Un rythme arythmique
Depuis que nous avons pris nos fonctions de gardiens d’Ăźle, les moments de tension ont Ă©tĂ© nombreux entre ZoĂ© et moi. TrĂšs diffĂ©rents dans nos maniĂšres de fonctionner et de nous organiser, il n’a parfois pas Ă©tĂ© simple de s’entendre et de s’accorder. En quelques mois pourtant, nous avons su trouver notre rythme, nous laissant porter par l’oisivetĂ© quand on le souhaite, nous forçant Ă suivre strictement nos programmes, nos listes et autres feuilles de route quand il le faut. En cela, notre vie est totalement diffĂ©rente, je pense, de celle de l’ancien gardien de ces lieux. Pour lui, chaque jour Ă©tait – Ă peu de choses prĂšs – identique au prĂ©cĂ©dent: chantier le matin de 8h30 Ă midi, sieste, puis retour au travail jusqu’au soir tard, oĂč Internet venait ponctuellement rassasier son besoin d’ailleurs. Pour nous, chaque journĂ©e est diffĂ©rente. Le fait que l’on soit deux nous permet Ă©videmment de plus vite nous dĂ©barrasser des tĂąches les plus pĂ©nibles et donc de disposer de plus de temps pour le reste. J’aime aussi Ă penser que deux cerveaux de jeunes gens inexpĂ©rimentĂ©s mis en rĂ©seau valent autant qu’un seul cerveau de gardien confirmĂ©. Cela ne nous empĂȘche pas bien sĂ»r de rĂ©guliĂšrement rencontrer des difficultĂ©s et de galĂ©rer comme il se doit lorsqu’il s’agit de rĂ©parer, mettre en route ou bricoler je ne sais quoi. Mais chaque jour ou presque, nous accomplissons un certain de nombre de choses afin d’avancer dans nos programmes saisonniers, de rendre l’Ăźle plus belle qu’elle ne l’est dĂ©jĂ , et de tout mettre en ordre avant l’arrivĂ©e fatidique des propriĂ©taires.
Seul depuis cinq jours, je prends conscience de ma propre lenteur. J’ai beaucoup couru depuis que ZoĂ© est partie. Pour rien, la plupart du temps. Je me suis beaucoup cognĂ© aussi. Hier, je suis tombĂ© dans les escaliers et la structure d’un transat en mĂ©tal s’est dĂ©pliĂ© sur mon front, si bien que j’ai Ă©tĂ© obligĂ© de m’assoir dix minutes afin de reprendre mes esprits. Le petit chantier qui m’accapare ces jours-ci n’a rien, sur le papier du moins, de trĂšs excitant: mettre en route une immense piscine chauffĂ©e qui n’a pas tournĂ© depuis un an et qui est donc verte, infestĂ©e d’algues et de saloperies. Une tĂąche lambda, je suppose, pour quiconque s’est dĂ©jĂ occupĂ© d’une piscine, ce qui n’est bien sĂ»r pas mon cas. J’y ai passĂ© la plupart de mon temps depuis que ZoĂ© est partie. Entre la pompe qui refuse de s’amorcer, les tuyaux qui se bouchent, les aiguilles de pin qui tombent dans l’eau l’une aprĂšs l’autre, les manĆuvres Ă effectuer dans la salle des machines et le rideau roulant qui dĂ©conne, c’est, contre tout attente, le chantier le plus laborieux de la saison. AjoutĂ© Ă cela que je n’aime pas l’odeur du chlore et que je trouve l’idĂ©e d’avoir une si grande piscine totalement dingo, et me voilĂ aux anges. Parfois, je lĂšve la tĂȘte et 3 heures se sont Ă©coulĂ©es sans que je ne m’en aperçoive. Le soleil commence dĂ©jĂ Ă se coucher que je n’ai pas fait la moitiĂ© de ce que je m’Ă©tais donnĂ© Ă faire. C’est dans ces moments lĂ que je me dis que tout cela est bien trop pour un seul homme. A vouloir tout faire tout seul on ne voit plus les journĂ©es passer et on a vite l’impression de n’ĂȘtre qu’un simple ouvrier au service de grands bourgeois.
Vers un fonctionnement organique
Je n’ai pas signĂ© pour travailler. J’ai signĂ© pour prendre soin d’un lieu que j’admire et qui m’Ă©poustoufle chaque jour. J’ai signĂ© pour vivre au rythme des marĂ©es, des saisons et pour prĂ©cisĂ©ment ne jamais, ou presque, avoir l’impression de travailler. Que je sois seul ou pas n’a, au fond, pas grand lien avec cela. Toute une organisation me paraĂźt en rĂ©alitĂ© nĂ©cessaire pour ne pas avoir l’impression de subir. Et c’est seulement maintenant que je m’en aperçois. Ces derniers temps, on avait dĂ©cidĂ© avec ZoĂ© que, connaissant la date d’arrivĂ©e des propriĂ©taires de l’Ăźle, nous ne ferions dĂ©sormais les choses qu’une seule fois. Autrement dit, nous attendrons le dernier moment pour accomplir un certain nombre d’actions nĂ©cessaires, de maniĂšre Ă ne pas avoir Ă les faire deux fois, ou plus. Inutile de tondre toutes les pelouses alors que les propriĂ©taires n’arrivent que dans trois semaines. Je le ferai quelques jours avant leur arrivĂ©e. Inutile de trop prendre soin du chemin littoral. Je le ferai quelques jours avant leur arrivĂ©e. Inutile de⊠Bref, vous avez compris. Sauf qu’en fonctionnant comme cela, on se met soi-mĂȘme dans une position inconfortable. Non seulement on accumule les choses Ă faire, ce qui n’est jamais bon pour le moral, mais surtout on se retrouve Ă travailler pour quelqu’un d’autre, et non plus pour prendre soin de l’Ăźle et apprendre des choses. Un autre rythme est possible, et c’est d’ailleurs un peu ce que nous faisons lorsque nous sommes ensemble ZoĂ© et moi. Un rythme beaucoup plus organique, plus liĂ© aux besoins de l’Ăźle qu’aux attentes des propriĂ©taires. J’essaierai de thĂ©oriser ce fonctionnement organique dans un prochain Ă©pisode. Mais en attendant, je dois prendre mon bateau pour aller chercher ZoĂ© Ă la gare.
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