Un petit tour à Thessaloniki, ça te dit? Sur la voix des Balkans #20
Direction Thessaloniki, cap sur la Grèce à quelques heures au sud de la Macédoine. Mobylette, home studio et ouzo au programme!
Trois prénoms grecs pour une française
Comme tu sais je m’appelle Athina. Et peut être tu as déjà fait le lien entre mon prénom, grec et mon goût pour les Balkans?
Pour dire vrai, j’ai trois prénoms grecs! Apollonia est le second. Thémis est le dernier. Pour une française qui n’a a priori rien de grec dans son sang, avec une guirlande pareille sur son passeport, ça fait jaser tout l’aéroport! Tout ça parce que je suis née dans une famille de passionnés, par la sculpture et la mythologie grecque du côté de mon père et par le voyage du côté de ma mère. Alors merci papa et maman de m’avoir donné une bonne raison d’aller en Grèce! Ou plutôt d’y retourner!
Quand on partait sur les chemins… en mobylette!
En fait, c’est la troisième fois que je viens explorer ce bout d’Europe – le plus à l’est – et c’est une première pour Thessaloniki! Si tu as suivi l’épisode précédent, cette virée n’était pas vraiment prévue et puis je me suis laissée convaincre d’y faire un crochet pour finir mon voyage avec mes amis grecs. Après avoir sillonné la montagne macédonienne, j’arrive donc vers 20h en bus avec 10% de batterie en poche… Je note le numéro de Dimitris dans mon petit carnet « au cas où » mon téléphone s’éteigne d’un coup. D’après ses indications, je dois prendre un bus de ville qui est censé m’emmener directement en bas de chez eux. Je suis sur un banc dans l’abri de bus patientant tranquillement mais manque de pot, les bus de ville ne déservent pas la gare ce soir. Il y a apparemment un grand événement politique dans la ville qui aurait complètement chamboulé la circulation. Je lève le nez de mon téléphone et voilà que quelqu’un avec un casque sur la tête me dit « Mademoiselle?« . C’est Dimitris! Il est venu me chercher en mobylette! Je m’accroche à son blouson et nous voilà traversant toute la ville déserte et remplie de policiers. Dimitris me donne quelques repères. « Ici c’est l’université, ici le vieux centre, ici il y a un marché…« . La première nuit chez eux rime avec un bon plat d’aubergines au four – la moussaka – et des retrouvailles joyeuses: « surprise! » . On entend de la musique traditionnelle en face dans un appartement: du rebétiko. Agapi me dit que c’est très répétitif… « Always the same« . C’est vrai que je remarque seulement maintenant que souvent les musiques que j’ai rencontrées sur mon chemin étaient répétitives. Eh bien, ça ne m’a pas dérangé du tout. Après, je me dis que l’on a toujours un regard pétillant ou intrigué par la musique qui n’est pas celle de son pays. On débarque en quelque sorte dans un nouveau monde. On n’y comprend rien et on s’en fout… pas mal. Tant qu’elle touche notre coeur. Au début, la musique est exotique tel un plat dont ne connaît pas encore les saveurs. Souvent, on reste assez naïfs tant que l’on ne comprend pas les paroles. Eh oui… les mots, le sens, le cerveau de la musique? Pourquoi pas. Je reviendrai sûrement sur ce point plus tard… D’ailleurs, si j’étais grecque, est-ce que je trouverais ça ringard comme Agapi? Va savoir… En tout cas, de mon côté, je me laisse bercer par le bouzouki qui s’échappe de la fenêtre du voisin comme un cadeau tombé du ciel. Comme pour me dire « καλωσορίστε στην Αθήνα! » (Bienvenue en Grèce Athina!), je goûte déjà un nouveau refrain.
Et si on faisait une jam dans un squat?
Le lendemain matin, Dimitris me propose de venir à une jam session dans un des studios d’un squat en ville. On a rendez vous vers les coups de 11h avec ses amis musiciens. On part toujours en mobylette où en équilibre avec le clavier sur le côté que je galère à tenir en place. J’ai passé ma nuit à écrire, j’ai sacrément la tête dans le pâté. Arrivés, un freddo expresso réveillera mes loupiotes en deux gorgées. C’est frais, sucré, et fort: le meilleur combo pour un réveil non pas en douceur mais pour être vite dans l’ambiance!
On fait du rock grunge mélangé avec du jazz et de l’électro pendant deux bonnes heures. Clavier, basse, batterie et voix.
Givi, le bassiste, me propose d’écouter un son qu’il a mixé et me dit « improvise if you like it« . Il enregistre avec son téléphone nos essais. Je donne tout! À la pause, je laisse les gars et je pars faire ma journée de touriste. « See you later!«
On est dimanche et mon obsession du jour est de voir la mer. Facile, il suffit de descendre une rue et je me retrouve directement face à son flot. Elle est agitée, il y a du vent mais le soleil tape dans mon dos. Lunettes de soleil obligées et robe légère, je réfléchis à faire quelque chose avec les gars. J’ai une idée! Un autre pote de Dimitris est passé au studio, il fait apparemment des films. Je le branche pour faire un clip expérimental sur un toit avec une de mes tenues bariolées. Je vois déjà tout le film qui défile dans ma tête! Je pars rejoindre la troupe et j’expose surexcitée mes dernières folies. Le fameux réalisateur a l’air plutôt emballé mais un peu mou du genou… Et on a très peu de temps devant nous.
J’ai aussi proposé à Givi d’enregistrer une chanson sur son mix ce soir chez Dimitris si ça les tente. Je laisse mûrir le tout et je rentre faire une sieste! Parfois, faut planter des graines et voir après si ça prend.
Le soir on passe une soirée à écouter du son dans le salon sous une boule à facette. On passe du coq à l’âne et tout le monde met quelque chose, découverte du rap grec en passant par de la pop expérimentale. On se rend compte avec Givi qu’on est fan des mêmes chanteuses diva: Yma Sumac et Bjork. Oui, on est loin du jazz.
On conclut que demain, on doit enregistrer une chanson vers 17h. Impatiente et méchamment inspirée!
Enregistrer une chanson entre 17h et 2h du matin
On est lundi et c’est déjà ma dernière journée en Grèce… Je me suis promis d’aller au marché Kapani – avant la session home studio – pour faire une razzia en miel, savon à l’huile d’olive, tahini (crème de sésame) et olives de Kalamata. Et le poisson, alors? Justement, j’étais partie à la base pour ça! Je ramène des beaux maquereaux dans la cuisine de mes amis, et tout un tas de légumes, herbes, citrons pour se faire un festin ce soir! Et même du ouzo, oups! du tsipouro, et puis du vin. Bref, je suis prête et pour la musique et pour la bringue: c’est ma dernière soirée dans les Balkans! Alors, je compte bien marquer le coup!
Vers 18h, on se met au travail. En quelques prises, j’enregistre une improvisation sur la chanson de Givi. Lui, il reste dans la cuisine en train d’écouter de loin ce qu’on trafique. Il préférait être avec nous, mais je stresse trop dès qu’il me colle de trop près.
Sur un micro scotché à un pupitre, je chante les quelques phrases sur le beat. Dimitris fait à la fois l’ingé son – son métier en plus d’être musicien – et me coach sur les intonations et le style. Après deux heures, ça y est on a fini! Écoute, rigolade, allez hop: on part tous à mobylette boire la bouteille de vin sur le port. Givi nous filme et on évoque le fait de faire un clip pour plus tard. Oui, le réalisateur nous a planté. Alors on prend les choses en main! Bon je n’ai toujours pas récupéré à ce jour les « rushes » comme on dit dans le jargon. J’espère au prochain épisode pouvoir te donner un avant goût de notre collaboration!
Je dois prendre mon bus pour retourner à Sofia, déjà!
Après un autre délire sous la sculpture aux parapluies, nous rentrons au bercail.
Vers 1h du matin j’ai bien envie de chanter encore et encore. Je propose à Dimitris d’enregistrer une autre chanson. J’écris les paroles dans le salon et nous voilà de nouveau chacun à sa place en train de graver nos idées. Après une heure, c’est dans la boîte! Et bientôt sur la toile! Après cet élan créatif, nous finissons la bouteille en écoutant du Stelios Kazantzidis, un grand classique.
Demain, j’ai une grosse journée qui s’annonce. Je retourne à Sofia pour récupérer, empaqueter toutes mes affaires!
J’en ai du bazar, je te dis pas!
Tu sais j’avais envahi le salon de l’hostel-maison à fleurs ou autrement dit chez Alex (voir épisode #18). Tu l’auras compris, ça sent vraiment la fin! Et j’ai prévu de faire le voyage uniquement en bus! Ça promet, dis!
► Sur la voix des Balkans: tout le voyage
► Nous écrire : desmotsdeminuit@francetv.fr
► La page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications
► @desmotsdeminuit
Articles Liés
- Filipe Galvon 🎥 documentariste, génération Lula-Dilma et auto-exilé : "Plutôt la France que le Brésil actuel !"
Filipe Galvon est un documentariste brésilien. Encantado Le Brésil désenchanté (2018) a été notamment tourné…
- MB14 Rencontre avec l'artiste du Beatbox #32
Son art c'est le Beatbox. Quand on entend pour la première fois MB 14 on…
- Louise Jallu 🎼, jeune bandonéoniste virtuose: la force et les larmes du tango
Le plaisir, le désir, autant que l'exigence de l'authenticité du tango. Douceur de se perdre…
- Claire Denis "Un train d'Afrique, ça en dit long..." #31
De la coiffure des femmes africaines au cinéma légionnaire de Claire Denis, du coiffeur inspirant…
- La guerre du LA. #20
Au bout de 2000 années à faire de la musique, les hommes voulurent se mettre…
- Philippe Jamet : "Ca m'oblige à aller vers les autres et ça me fait du bien!"
"épatant", "inventif", deux mots pour qualifier le travail de celui qui ici cherche à se…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202052860Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...