Louise Jallu 🎼, jeune bandonéoniste virtuose: la force et les larmes du tango
Le plaisir, le désir, autant que l’exigence de l’authenticité du tango. Douceur de se perdre dans l’infini bandonéon de Louise Jallu.
Elle était haute comme trois pommes quand, « pour faire comme ma sœur« , elle voulut apprendre le bandonéon. Ce sera au Conservatoire de Gennevilliers dont on ne sait pas forcément qu’il est un haut lieu européen de l’enseignement du tango, sans doute parce que beaucoup de ses professeurs sont argentins.
Louise Jallu n’a que 23 ans dont 18 de pratique de son instrument. Et de la suite dans ses idées et ses envies.
A peine ado, elle veut que le bandonéon soit l’objet de son métier et de sa vie. Pas facile pour autant, l’étrange appareil est exigeant: « C’est comme une partie d’échec » que de maîtriser ses 4 claviers (2 à l’aller, 2 au retour du soufflet). Pour convaincre ses parents de sa détermination, elle se présente un peu plus tard à un concours en Allemagne, elle termine deuxième. Encourageant.
En 2012, elle est du projet Tango Carbón, avant de fonder Louise Jallu Quartet.
Francesita
C’est après avoir lu « Le chemin de Buenos Aires (La traite des blanches) » d’Albert Londres que Louise Jallu imagine et conçoit le projet de son premier album. En 1927, le journaliste et grand voyageur y révélait les filières françaises qui alimentaient les bordels porteños, temples de luxure et… de tango. Les Francesita (la petite française), Griseta, Claudinette: ce sont ces femmes-objets et victimes que la jeune bandonéoniste veut aujourd’hui honorer, mais son album est d’abord un hommage au tango le plus pur et à Enrique Delfino, l’un de ses plus authentiques compositeurs et inventeurs. Avec grâce, respect et maîtrise, on l’a dit, Louise Jallu, 23 ans mais, déjà, quelle maturité musicale!
Modernité
Un album, deux CD, « en miroir« , dit-elle. Le premier, à la racine, certains diraient à l’os, en tout cas au plus près des origines. Principalement des titres d’Enrique Delfino, Louise (qui aime les huîtres) y glisse deux de ses compositions, notamment « À Gennevilliers », clin d’œil à sa ville et son conservatoire dirigé par Bernard Cavanna qui a supervisé les arrangements de l’album: « Ce serait dommage de jouer le tango sans l’enrichir, le moderniser! » Une modernité qui s’affiche plus franchement dans le deuxième CD, fort heureusement à l’opposé de la vulgarité de certains projects démagos qui n’ont retenu du tango que ce qui pouvait mobiliser les dance-floors. Louise Jallu est une jeune femme pétillante autant que délicate, le tango est partie de son âme, on ne trahit pas son âme. Les deux CD ont des morceaux en commun, ils dialoguent sans s’opposer, une belle conversation qui illustre la liberté tanguera. Comme pour l’éclairer elle invite quelques pointures, Sanseverino, la chanteuse grecque Katerina Fotinaki, Claude Barthélemy et son oud, notamment.
Douceur et force
Le tango est un rêve, parfois sulfureux, Louise Jallu est une rêveuse, déterminée aussi. La précision de son doigté et la couleur de son phrasé en témoignent autant que le choix des remarquables musiciens qu’elle a choisis pour l’accompagner. Grégoire Letouvet au piano, Alexandre Perrot à la contrebasse et l’étonnant Mathias Lévy au violon. Si on peut écouter « Francesita » en boucle, c’est une chance de voir ce quartet sur scène, Louise Jallu jouant debout, le bandonéon appuyé sur un genou. Elle dirige, discrètement, cette célébration du tango dans la diversité de ses allures, de ses postures et de ses ruptures, les assauts et les larmes, la nostalgie et la conquête.
- Francesita – Louise Jallu quartet – Klarthe records
- Louise Jallu 4TET – Francesita – Live au Café de la Danse (mars 2018) – disque vinyle
→ le site de Louise Jallu
→ une vidéo à propos du projet
(vidéo de l’article: Francesita (E. Delfino) – enregistrée le 17/03/2018 au Café de la Danse (Paris) – Réalisation: Giuseppe de Vecchi © Jallu Production)
Article publié le 5 mai 2018, mis à jour le 7 janvier 2020
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