Adopte une route américaine… Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula # 221
Les premiers pas de Paula en Amérique, ou plutôt ses premiers tours de roues.
J’ai réussi !
Restons calmes, je suis simplement parvenue à rentrer seule en Virginie après avoir déposé Marco à Dulles, le plus international des trois aéroports de Washington. On peut sourire mais c’est – ce fut – pour moi un mini exploit. D’une part parce que, depuis des années, je ne conduis pratiquement plus. Souvent les humanitaires, sur le terrain, comme je l’étais encore récemment, ont un chauffeur pour tout un tas de bonnes raisons. Depuis 2011, je n’ai donc plus eu de voiture et n’ai conduit que par brèves périodes. D’autre part, parce que circuler dans un pays nouveau est un apprentissage. Dans beaucoup de pays que j’ai fréquentés, l’attention doit se porter sur les autres conducteurs au permis de conduire douteux ou à la vue encore plus douteuse, en ville sur les piétons et en campagne sur le bétail folâtre. Ici, le défi est la multitude d’informations que je dois décrypter.
La carte mi-chemins…
Avant tout, il me faut trouver la route. Par précaution avant de prendre le volant j’ai commencé par étudier les cartes. Aux États-Unis, on peut facilement oublier combien les distances sont grandes, incommensurables même… Notre échappée à Cape Cod dans le nord-est du pays nous a fait voyager près de 1 800 km (aller-retour, tout de même). Notre carte du pays est en fait un livre de cent-cinquante pages, format A3, dans lesquels les états sont classés par ordre alphabétique. Ce classement répond à une logique qui n’est pas la mienne. Et je râle de devoir chercher la suite de ma route quand elle s’abîme dans un bord de page. De plus les échelles ne sont pas les mêmes pour chaque état, ce qui ajoute à ma confusion. Au moins, cela m’oblige à apprendre le nom des États dans l’ordre géographique. Maintenant, je maîtrise bien la bande orientale du pays.
Marco préfère se fier au GPS de son téléphone. Et je dois admettre qu’il a bien raison. J’ai fini par céder aux sirènes de la facilité et me suis résolue à acheter un téléphone intelligent. Je n’ai pas encore trouvé comment couper le son du GPS et hier soir sur la route je devais aussi interpréter les informations vocales de l’appareil, données dans un anglais basique mais perturbant.
Un téléphone intelligent ?!?
Il faut ensuite ne pas se laisser distraire par toute une série de panneaux dont le code couleur ne m’est pas familier. Du coup, je lis absolument tous les panneaux et c’est épuisant. Et parfois sibyllin. Par exemple, dans le Massachusetts, des panneaux lumineux mobiles nous mettaient en garde contre le EEE, suivi quelques mètres plus loin de la recommandation de s’informer auprès du mass.com. J’ai appris depuis, que derrière cet acronyme, se dissimule la Eastern equine encephalitis. Comme son nom ne l’indique pas, elle touche les hommes, ne se soigne pas – elle est même mortelle – et son vecteur est un moustique. En quittant l’Afrique et son paludisme, je croyais enfin ne plus avoir à m’inquiéter de cet insecte.
Enfin, je dois surveiller le compteur de vitesse; on ne roule pas vite aux États-Unis, 110 km/heure est le maximum dans les États dans lesquels nous vadrouillons.
En conduisant notre voiture, me sont revenus en mémoire des scènes de vieux films américains, vus à une époque où l’Amérique ne m’intéressait pas plus que cela: un gros plan sur le compteur, l’aiguille frôlant le 100, alterné avec le visage figé du conducteur ou celui terrifié de sa passagère. Je n’en comprenais pas la tension car je ne savais alors pas que le compteur était étalonné en miles. Alors, oui, maintenant je comprends, plus de 160 km/h sur une route secondaire peut provoquer quelques sueurs froides.
SPA: Société protectrice des autoroutes 😃
Les véhicules sont un autre sujet de distraction: certains sont carrément ridicules par leur taille et leurs formes rehaussées et élargies, des mini camions goinfres avec souvent une seule personne à bord. J’ai plusieurs fois vu des caravanes de la taille d’un bus tractant un 4×4… Une constante: les voitures transportent le plus souvent une seule personne, sauf le dimanche. Pourtant des mesures existent pour encourager le co-voiturage, en tout cas dans la banlieue de Washington: des zones de « park and ride » où se retrouvent les navetteurs, des voies rapides réservées aux voitures transportant au moins deux personnes ou d’autres qui deviennent gratuites à partir de trois personnes à bord.
Dans le Nord-Est, les bas-côtés des routes m’ont paru assez propres – sauf sur les voies rapides parsemées de grosses bandes de caoutchouc noir, sortes d’étrons lâchés par ces énormes camions qui dominent les routes. Là, les Américains ne sont pas plus vertueux que ceux du Sud, c’est le niveau des sanctions qui fait la différence. 10 000 $ d’amende dans le Massachusetts si on balance sa bouteille de coca par la fenêtre. Assez dissuasif. Seulement 250 $ dans le Connecticut, l’état voisin. Je ne sais si les gens y sont naturellement moins souillons ou si on y boit moins de sodas mais là aussi, c’est assez propre. A moins que ce ne soit le résultat des nettoyages réguliers que des associations ou même des entreprises s’engagent à faire, en échange de leur nom sur des petits panneaux au bord de la route. C’est le « Adopt a Highway » que j’ai mis longtemps à comprendre. En Virginie et dans le Maryland, on dit plutôt « Sponsor a highway » et ça marche visiblement moins bien. Adopter ou sponsoriser, tout est question de champs sémantiques.
Quoi qu’il en soit, dans ce pays, il n’est pas question de quitter la route ; celle-ci est consubstantielle à l’esprit américain, peut-être représente-t-elle une trace nostalgique des trains de wagons que les pionniers emmenaient vers l’Ouest. Ou simplement l’absence d’alternative.
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