Au risque d’être un peu sommaire, je dirai que Madeleine, à l’aube de ses 75 ans, c’est un cancer du sein, trois AVC, un cancer du poumon, une broncho-pneumopathie chronique obstructive et une arthrose envahissante. C’est aussi un mari dont le plus beau geste semble de l’avoir laissée veuve à un âge où l’on peut encore refaire sa vie.
Alors, ses enfants étant grands, elle l’a refaite, sa vie, avec un amour d’adolescence. Elle avait 16 ans; il en avait 22. Je ne sais pas pourquoi cette même vie les avait séparés, mais ils se sont retrouvés sur le tard. Pendant treize ans, elle a été heureuse avec son p’tit Robert; et amoureuse. Alzheimer s’est chargé de mettre fin à ce bonheur insolent. Mais amoureuse, elle l’est restée. Le jour de la St Valentin, elle lui écrit une carte qui commence immanquablement par « Mon cœur ». Elle lui rappelle le repas au Flunch, les petits cadeaux échangés, la balade dans les rues piétonnes.Dès qu’elle évoque son p’tit Robert, il y des petits anges qui volettent ici et là, et des larmes au coin de ses yeux. Et en plus, son p’tit Robert était un bricoleur hors pair. Il ne portait jamais sa voiture chez le garagiste. Il avait la main verte. Mais surtout, il a toujours été au plus près d’elle chaque fois qu’elle a dû être opérée. En fait, son p’tit Robert n’avait qu’un seul défaut: il adorait les raviolis alors qu’elle déteste ça. Mais elle lui en préparait quand même. C’est ça, l’amour!
La vie dans un immeuble de Wazemmes en feuilleton bimensuel sur Des mots de minuit…
« Le Paquebot », ainsi que je nomme l’immeuble où j’habite, n’est pas près d’appareiller, trop ancré dans le quartier de Wazemmes, à Lille. Les moussaillons ne sont pas du genre à squatter chez les uns ou les autres, mais comme dans les temps difficiles, il y a une ligne de vie qui nous accroche et nous relie, fine et aussi solide que le fil d’une toile d’araignée. » Jacques Lohier.