Prix Femina étranger 2014 pour « Ce qui reste de nos vies », la romancière israélienne Zeruya Shalev signe avec « Douleur » un roman aussi dense que puissant dans lequel l’amour tient une place de choix.

29 janvier 2004. Zeruya Shalev réchappe d’un attentat terroriste perpétré à Jérusalem dans lequel onze personnes trouvent la mort. Au sortir de longs mois d’immobilisation, elle décide de poursuivre sa route et de ne jamais évoquer cet épisode dans un livre. Plus de dix ans après les faits, la romancière se surprend pourtant à écrire, presque malgré elle, la scène de l’attentat. Ce qui s’est passé quelques heures avant, dans des dizaines de familles comme la sienne.

 

Des dizaines d’autres foyers où l’on s’apprêtait à entamer une journée normale, où l’on lavait un corps qui allait être enterré, où l’on se penchait pour mettre des chaussures sur des pieds qui allaient être arrachés exactement une heure plus tard, où l’on étalait de la crème hydratante sur un peau qui allait brûler, où l’on se séparait rapidement d’un enfant qu’on ne reverrait plus, où l’on changeait la couche d’un bébé qui n’avait plus qu’une heure à vivre.

Douleur était né.
Roman puissant et non simple autofiction, ce cinquième livre puise au cœur des thèmes de prédilection d’une auteure devenue en quelques années l’une des figures majeures de la scène israélienne. Les enfants, le couple, les non-dits. Son héroïne, Iris, est une femme comme les autres. Directrice d’école, mariée, mères de deux adolescents, sans difficulté particulière. Apparemment. Jusqu’au jour où une bombe fait voler en éclats ce pourquoi elle s’est toujours battue. Il y a l’avant. Il y a l’après. La souffrance avec laquelle il faut s’habituer à composer. La solitude au milieu des siens. Et puis cette visite au service anti-douleur de l’hôpital où le médecin de garde n’est autre que son grand amour de jeunesse. Ethan Rozenfeld. Celui qu’elle n’a jamais oublié. Celui qui va lui redonner l’envie de vivre.
Récit de la souffrance et du manque, Douleur est aussi celui de la deuxième chance. Celle qu’Iris se promet de ne pas laisser passer.

L’heure est à la joie, cette rencontre est inespérée, elle ne s’y attendait pas, ne s’y était pas préparée, ne l’a pas prévue, n’en a pas rêvé mais à présent elle a l’impression de n’avoir vécu que pour cette minute, de n’avoir fait que donner le change entre-temps, son mariage, ses études, ses enfants.

Un roman subtil et puissant qui illustre les répercussions d’un attentat sur la vie d’une femme. Celles que l’on voit. Celles que l’on ne voit pas. Ce sont bien sûr ces blessures-là qui intéressent Zeruya Shalev et rendent ce récit terriblement poignant.

Douleur – Zeruya SHALEV – 416 pages – Gallimard
>    feuilleter quelques pages
(Illustration de l’article: © Francesca Mantovani)

 

  les lectures d’Alexandra

  la critique littéraire desmotsdeminuit.fr



► desmotsdeminuit@francetv.fr
 la 
page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.

► @desmotsdeminuit