Une soudaine envie de lire et lâodeur enivrante des Ă©pines de pin qui sĂšchent sous le soleil surprennent ZoĂ©, qui sây laisse glisser et observe la fonte de ses inquiĂ©tudes.
RĂ©pliques sismiques
Je crois que mon prĂ©cĂ©dent article fut rĂ©digĂ© sous lâinfluence du sentiment dâimposture qui mâassaille souvent lorsque je pense Ă ce que je vis. Cette chance qui mâest tombĂ©e dessus, jâai la dĂ©sagrĂ©able impression de ne pas la mĂ©riter. MĂ©riter, ça ne veut rien dire⊠mais jâaimerais que tous aient la chance que jâai et câest loin dâĂȘtre le cas, alors je mâen veux, je refuse (un peu, nâexagĂ©rons rien) dâen profiter pleinement.
Ăa, câest par moments seulement, heureusement. Ă dâautres moments, jâenvoie balader le monde alentour et je savoure ce qui mâest offert. Le matin, le rĂ©veil ne sonne plus. Plus jamais. Câest vraiment bon et beau. Un Ă©merveillement chaque jour renouvelĂ©. Ce nâest pas pour autant que je me prĂ©lasse au lit pendant des heures. Vers 8h je suis debout. Allez, peut-ĂȘtre plutĂŽt 9h. Ă dire vrai, de plus en plus, je me fous de lâheure Ă laquelle je me lĂšve. Le rĂ©veil ne sonne plus et les jours de la semaine ont disparu eux aussi. Parfois le matin je parcours les rĂ©seaux sociaux, je prends une bouffĂ©e de rĂ©alitĂ© lorsque je mâaperçois que jâavais oubliĂ© que le week-end Ă©tait pour moi aussi, il y a peu, dĂ©diĂ© au repos et Ă la fĂȘte, Ă la fĂȘte et au repos. Instagram me divulgue quâUntel a passĂ© sa nuit Ă danser, de mon cĂŽtĂ© je mâen vais travailler. Je regrette un instant ces nuits de danse, leur folie, les excĂšs, moins les lendemains Ă©puisĂ©s. Je ressens alors mon dĂ©placement, avec lĂ©gĂšretĂ©.
Si les week-end ne signifient plus rien, la routine matinale, imposĂ©e par les obligations, non plus. Une fois levĂ©e, je fais un peu dâexercice, des Ă©tirements seule dans mon salon et je sens mon corps se transformer lentement. Il se dĂ©place lui aussi, diffĂ©remment. Plus habile, moins timide. Je me rends ensuite dans la cuisine. Je me rends dans la cuisine! Je marche chez moi⊠Que câest bon et beau, ça aussi. Je fais du thĂ©, choisis quelques fruits et mange ce petit-dĂ©jeuner en laissant mon regard sauter dâombres en carrĂ©s illuminĂ©s sur le paysage qui me fait face, dans cette maison oĂč les fenĂȘtres occupent presque plus dâespace que les murs⊠Tout ça nous mĂšne presque Ă 11h. Oui, je prends mon temps. Et câest incroyablement satisfaisant.
Le travail attendra
Autre dĂ©couverte de ces quinze derniers jours: lâimmense plaisir de la lecture. Un jour, soudain, jâai envie de lire. Et je me rends compte, tout aussi soudainement, que je suis libre de cĂ©der Ă cette envie. Lire quand jâen ai envie, toutes affaires cessantes. Laisser en plan le potager dans lequel pourtant le travail mâattend, regarder pousser la pelouse sans plus mâen soucier, une pensĂ©e au fond de mon esprit pour le mĂ©nage de printemps dans la maison de la propriĂ©taire auquel il va bien falloir se coller, mais pas plus. Tout ça existe et pourtant je le mets de cĂŽtĂ© et je prends un livre. Je mâinstalle au soleil, un brin protĂ©gĂ©e par lâombre des arbres et je me dĂ©lecte des trĂ©sors de rĂ©flexions et dâĂ©motions que mâoffrent les livres.
Jâen ai plein, ramenĂ©s avec moi et qui attendent patiemment que ce genre dâĂ©lan mâenvahisse plus souvent. Câest le premier. Je lâapprĂ©cie. Parce quâen effet, depuis mon arrivĂ©e, cette envie de lecture, dâĂ©vasion vers autre chose que lâĂźle ou toutes ces pensĂ©es qui me travaillent sans cesse ne mâavait pas effleurĂ©e. Jâai presque cru que je nâaimais plus lire. Que câĂ©tait quelque chose du passĂ©, de mon temps dâĂ©tudiante, dâavant le travail et la vie dâadulte. Avant les responsabilitĂ©s et les soucis qui vont avec. Et câest donc avec une joie immense que jâaccueille cette envie de lecture, je la caresse, je souhaite quâelle reste avec moi, je la trouve belle et simple, elle mâapaise. Je me sens lĂ©gĂšre, câest fou. Fou comme des envies, qui pourraient disparaĂźtre aussi rapidement quâelles naissent si on nây prĂȘtait pas un instant dâattention, jouent sur un Ă©tat dâesprit: un Ă©tat dâĂȘtre? Soudain, avec cette envie, je me sens autre. Jâadore. Cette envie, jâaurais pu lâignorer, je ne lâai pas fait et dĂ©sormais elle mâhabite complĂštement, elle a prit toute la place, elle me comble. Une rĂ©elle fĂ©licitĂ©, et je nâexagĂšre pas.
Une valse des charges et décharges
Des petits moments de grĂące comme celui-ci, il y en a plusieurs au cours dâune journĂ©e. Ces temps-ci, il faut dire que les journĂ©es sont on ne peut plus belles. La sĂ©cheresse menace mais je ne veux pas du retour de la pluie. LâĂźle est lumineuse, elle sent bon la pinĂšde du plein Ă©tĂ©, les Ă©pines chuchotent sur mon passage et le sol craquĂšle par endroits. Ailleurs, les fougĂšres forment un dais vert, acidulĂ©, dont mes yeux ne se lassent pas et lâherbe envahit tout, elle amortit mes pas et me donne envie de mây baigner. La mer, trop froide. BientĂŽt cependant. MĂȘme si bientĂŽt aussi, il va falloir tout tailler, ranger cette nature qui pousse comme elle lâentend et que jâai pour tĂąche de lisser. BientĂŽt -câest dĂ©jĂ lĂ en rĂ©alitĂ©-, je vais mâatteler aux allĂ©es de graviers et arracher, brin par brin ou presque, ces bouts de nature qui sâinstallent lĂ oĂč ils ne sont pas souhaitĂ©s. Parce que bientĂŽt, il paraĂźt que la propriĂ©taire revient.
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