🏝 Un apprentissage de la libertĂ©. #15

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R&Z

Une soudaine envie de lire et l’odeur enivrante des Ă©pines de pin qui sĂšchent sous le soleil surprennent ZoĂ©, qui s’y laisse glisser et observe la fonte de ses inquiĂ©tudes.

Répliques sismiques

Je crois que mon prĂ©cĂ©dent article fut rĂ©digĂ© sous l’influence du sentiment d’imposture qui m’assaille souvent lorsque je pense Ă  ce que je vis. Cette chance qui m’est tombĂ©e dessus, j’ai la dĂ©sagrĂ©able impression de ne pas la mĂ©riter. MĂ©riter, ça ne veut rien dire
 mais j’aimerais que tous aient la chance que j’ai et c’est loin d’ĂȘtre le cas, alors je m’en veux, je refuse (un peu, n’exagĂ©rons rien) d’en profiter pleinement.
Ça, c’est par moments seulement, heureusement. À d’autres moments, j’envoie balader le monde alentour et je savoure ce qui m’est offert. Le matin, le rĂ©veil ne sonne plus. Plus jamais. C’est vraiment bon et beau. Un Ă©merveillement chaque jour renouvelĂ©. Ce n’est pas pour autant que je me prĂ©lasse au lit pendant des heures. Vers 8h je suis debout. Allez, peut-ĂȘtre plutĂŽt 9h. À dire vrai, de plus en plus, je me fous de l’heure Ă  laquelle je me lĂšve. Le rĂ©veil ne sonne plus et les jours de la semaine ont disparu eux aussi. Parfois le matin je parcours les rĂ©seaux sociaux, je prends une bouffĂ©e de rĂ©alitĂ© lorsque je m’aperçois que j’avais oubliĂ© que le week-end Ă©tait pour moi aussi, il y a peu, dĂ©diĂ© au repos et Ă  la fĂȘte, Ă  la fĂȘte et au repos. Instagram me divulgue qu’Untel a passĂ© sa nuit Ă  danser, de mon cĂŽtĂ© je m’en vais travailler. Je regrette un instant ces nuits de danse, leur folie, les excĂšs, moins les lendemains Ă©puisĂ©s. Je ressens alors mon dĂ©placement, avec lĂ©gĂšretĂ©.
Si les week-end ne signifient plus rien, la routine matinale, imposĂ©e par les obligations, non plus. Une fois levĂ©e, je fais un peu d’exercice, des Ă©tirements seule dans mon salon et je sens mon corps se transformer lentement. Il se dĂ©place lui aussi, diffĂ©remment. Plus habile, moins timide. Je me rends ensuite dans la cuisine. Je me rends dans la cuisine! Je marche chez moi
 Que c’est bon et beau, ça aussi. Je fais du thĂ©, choisis quelques fruits et mange ce petit-dĂ©jeuner en laissant mon regard sauter d’ombres en carrĂ©s illuminĂ©s sur le paysage qui me fait face, dans cette maison oĂč les fenĂȘtres occupent presque plus d’espace que les murs
 Tout ça nous mĂšne presque Ă  11h. Oui, je prends mon temps. Et c’est incroyablement satisfaisant.

Du temps passé à admirer un horizon toujours semblable, et toujours différent... © R&Z

Le travail attendra

Autre dĂ©couverte de ces quinze derniers jours: l’immense plaisir de la lecture. Un jour, soudain, j’ai envie de lire. Et je me rends compte, tout aussi soudainement, que je suis libre de cĂ©der Ă  cette envie. Lire quand j’en ai envie, toutes affaires cessantes. Laisser en plan le potager dans lequel pourtant le travail m’attend, regarder pousser la pelouse sans plus m’en soucier, une pensĂ©e au fond de mon esprit pour le mĂ©nage de printemps dans la maison de la propriĂ©taire auquel il va bien falloir se coller, mais pas plus. Tout ça existe et pourtant je le mets de cĂŽtĂ© et je prends un livre. Je m’installe au soleil, un brin protĂ©gĂ©e par l’ombre des arbres et je me dĂ©lecte des trĂ©sors de rĂ©flexions et d’émotions que m’offrent les livres. 
J’en ai plein, ramenĂ©s avec moi et qui attendent patiemment que ce genre d’élan m’envahisse plus souvent. C’est le premier. Je l’apprĂ©cie. Parce qu’en effet, depuis mon arrivĂ©e, cette envie de lecture, d’évasion vers autre chose que l’üle ou toutes ces pensĂ©es qui me travaillent sans cesse ne m’avait pas effleurĂ©e. J’ai presque cru que je n’aimais plus lire. Que c’était quelque chose du passĂ©, de mon temps d’étudiante, d’avant le travail et la vie d’adulte. Avant les responsabilitĂ©s et les soucis qui vont avec. Et c’est donc avec une joie immense que j’accueille cette envie de lecture, je la caresse, je souhaite qu’elle reste avec moi, je la trouve belle et simple, elle m’apaise. Je me sens lĂ©gĂšre, c’est fou. Fou comme des envies, qui pourraient disparaĂźtre aussi rapidement qu’elles naissent si on n’y prĂȘtait pas un instant d’attention, jouent sur un Ă©tat d’esprit: un Ă©tat d’ĂȘtre? Soudain, avec cette envie, je me sens autre. J’adore. Cette envie, j’aurais pu l’ignorer, je ne l’ai pas fait et dĂ©sormais elle m’habite complĂštement, elle a prit toute la place, elle me comble. Une rĂ©elle fĂ©licitĂ©, et je n’exagĂšre pas.

La « corvĂ©e » du ramassage des pommes de pin et du petit bois nĂ©cessaires Ă  nos soirĂ©es au coin du poĂȘle. ©R&Z

Une valse des charges et décharges

Des petits moments de grĂące comme celui-ci, il y en a plusieurs au cours d’une journĂ©e. Ces temps-ci, il faut dire que les journĂ©es sont on ne peut plus belles. La sĂ©cheresse menace mais je ne veux pas du retour de la pluie. L’üle est lumineuse, elle sent bon la pinĂšde du plein Ă©tĂ©, les Ă©pines chuchotent sur mon passage et le sol craquĂšle par endroits. Ailleurs, les fougĂšres forment un dais vert, acidulĂ©, dont mes yeux ne se lassent pas et l’herbe envahit tout, elle amortit mes pas et me donne envie de m’y baigner. La mer, trop froide. BientĂŽt cependant. MĂȘme si bientĂŽt aussi, il va falloir tout tailler, ranger cette nature qui pousse comme elle l’entend et que j’ai pour tĂąche de lisser. BientĂŽt -c’est dĂ©jĂ  lĂ  en rĂ©alitĂ©-, je vais m’atteler aux allĂ©es de graviers et arracher, brin par brin ou presque, ces bouts de nature qui s’installent lĂ  oĂč ils ne sont pas souhaitĂ©s. Parce que bientĂŽt, il paraĂźt que la propriĂ©taire revient.

Dire qu’il y a quelques semaines, ce tapis vert Ă©tait brun et me semblait mort. © R&Z

â–ș Deux dans l’üle: l’intĂ©grale

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