
MalgrĂ© le passage de la tempĂȘte Miguel et des trombes d’eau qui n’en finissaient pas de tomber, le moral est Ă nouveau au beau fixe pour Robin, qui vient de recevoir la visite de quelques uns de ses meilleurs copains.
Il me paraĂźt loin le temps du raz-le-bol. Loin le temps des galĂšres de bateau, de circuits d’irrigation, de fuites dans le toit ou de canalisations bouchĂ©es. Pourtant, si nous avons la chance d’avoir enfin rĂ©cupĂ©rĂ© notre bateau (en panne depuis cet hiver) et que je pense avoir trouvĂ© une astuce pour faire fonctionner le deuxiĂšme Ă peu prĂšs correctement pour la saison, rien n’est encore tout Ă fait stabilisĂ©. Mais voilĂ , nous venons de passer ZoĂ© et moi quelques jours formidables avec certains de mes plus proches amis. Et pouvoir profiter tous ensemble de ce lieu incroyable, faire dĂ©couvrir certaines de mes dĂ©couvertes, partager mes observations et tout simplement pouvoir rire, manger, boire et vivre tous ensemble m’a fait un bien fou et m’a surtout fait prendre encore plus de distance vis-Ă -vis des tracas du quotidien de gardiens.
« Rendez-vous Ă l’embarcadĂšre«Â
Parmi toutes les obsessions que j’ai pu nourrir durant les longs mois d’attente qui ont prĂ©cĂ©dĂ© notre prise de fonction sur l’Ăźle avec ZoĂ©, il en est une que mon cerveau n’a jamais cessĂ© d’abriter: celle de l’accueil. Cela peut paraĂźtre curieux mais lorsque j’attendais dĂ©sespĂ©rĂ©ment de savoir si oui ou non ZoĂ© et moi allions ĂȘtre retenus pour le poste de gardiens, j’Ă©tais obsĂ©dĂ© par l’idĂ©e d’aller chercher mes amis et mes proches sur le continent. Le simple fait de m’imaginer aller chercher les miens de l’autre cĂŽtĂ© de la mer me procurait beaucoup de bonheur et me donnait de l’espoir quant au fait d’ĂȘtre embauchĂ©. Je pense que c’Ă©tait une maniĂšre pour moi de m’y voir, de me projeter dans cette nouvelle vie pleine d’inconnu et forcĂ©ment source d’angoisse.
Quelques mois plus tard, je suis toujours autant excitĂ© Ă l’idĂ©e d’aller chercher mes amis sur le continent. Mais si nous avons dĂ©jĂ eu pas mal de visites, jusqu’Ă prĂ©sent, les arrivĂ©es ne se sont pas exactement passĂ©es comme je l’avais imaginĂ©. Contraints par les horaires de marĂ©es, les pannes de bateau ou par la mĂ©tĂ©o, jamais je n’avais rĂ©ussi Ă vivre Ă l’identique ce court moment que j’avais tant fantasmĂ©. Alors quand, la semaine derniĂšre, ce moment est enfin arrivĂ© et que j’ai pu sautiller d’excitation dans la petite cabine de mon bateau tout le long de la traversĂ©e et crier de joie Ă la vue de mes amis en train de faire de mĂȘme sur la cale de l’embarcadĂšre, j’ai non seulement eu l’impression de rĂ©aliser un rĂȘve, mais j’ai aussi compris pourquoi ce moment avait pris dans de place dans ma tĂȘte.

Une folie enfin partagée
Il y a quelque chose d’anormal dans cette nouvelle vie que nous menons gaiement ZoĂ© et moi. Chaque journĂ©e depuis que nous nous sommes installĂ©s lĂ est teintĂ©e d’une fine couche d’irrĂ©alitĂ©. Comme si c’Ă©tait trop beau pour ĂȘtre vrai. Comme si c’Ă©tait trop vrai pour ĂȘtre pĂ©renne. Et notre isolement participe Ă cela. Hormis ce feuilleton hebdomadaire sur Des mots de minuit, je ne partage finalement que trĂšs peu ce que je vis ici. Ce n’est parfois pas l’envie qui manque mais je suis souvent freinĂ© par le caractĂšre indĂ©cent de cette nouvelle vie, par la chance incroyable et forcĂ©ment injuste qui est la notre. La vie est loin d’ĂȘtre aussi douce pour tout le monde et il faut parfois garder pour soi ses Ă©lans de joie ou ses Ă©merveillements. En ce sens je suis parfaitement hostile Ă la « culture instagram » qui consiste Ă Ă©taler publiquement et Ă longueur de temps un quotidien photoshopĂ© ou parfaitement cadrĂ©. Je prĂ©fĂšre de loin patienter jusqu’Ă la venue de mes amis pour leur montrer, en vrai, ce que je vois et ce que je fais de mes journĂ©es. Et j’ai compris la semaine derniĂšre que cette obsession de l’accueil Ă©tait entiĂšrement liĂ©e Ă cela.
Apercevoir mes amis en train de m’attendre sur le continent, c’est dĂ©jĂ la promesse de pouvoir partager avec l’autre ce qui fait le sel de ma nouvelle vie. C’est dĂ©jĂ la promesse de sortir quelque temps de l’isolement et de partager avec les autres des bouts de cette vie peu ordinaire encore pleine de zones d’ombres. Mais c’est aussi et surtout la promesse de belles journĂ©es passĂ©es Ă rire, Ă se balader, Ă pĂȘcher, Ă bricoler et Ă pouvoir, tous ensemble, assis sur un rocher, prononcer LA phrase la plus prononcĂ©e sur le sol de cette Ăźle: « Putain, c’est ouf… »

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