ZoĂ© aime flĂąner et tente Ă sa maniĂšre une ode Ă la tergiversation. DĂ©barrassĂ©e de sa connotation pĂ©jorative habituelle, la tergiversation peut ĂȘtre une façon de savourer lâinstant. Il sâagit pour ZoĂ© de prendre le temps de soupeser chaque chose. La vie prend du temps, nous dit-elle.
Halte-lĂ !
Il y a des jours, on nâen rame pas une. On glande, on prend notre temps, et celui-ci passe vite. Jâai dĂ©jĂ racontĂ© mon petit-dĂ©jeuner, lascif, durant lequel mes oreilles se dĂ©lectent des divers cris dâoiseaux qui sâĂ©grĂšnent dans mon dos et me donnent lâimpression de vivre dans une contrĂ©e vraiment sauvage, un genre de jungle! Je ne sais pas quel bruit fait la jungle mais je lâimagine riche en sonoritĂ©s entĂȘtantes, sautant de lâaigu au suraigu, un caquĂštement tout proche rĂ©pondant Ă son cousin perchĂ© un peu plus loin et partout le mystĂšre car les sources de ce bruyant voisinage restent, malgrĂ© nos efforts, indiscernables. Câest ce que je vis chez moi lorsque jâai le nez levĂ© vers les cimes des arbres, Ă la recherche des premiĂšres incursions du soleil au sein des frondaisons. En rĂ©alitĂ©, je ne cherche pas les oiseaux, je sais oĂč ils sont, derriĂšre moi, derriĂšre la maison, sur un Ăźlot qui sert de nid Ă plusieurs communautĂ©s dâoiseaux, dont des mouettes Ă©videmment, qui sâinterpellent les unes les autres pour mon plus grand bonheur. Je les sais lĂ et en mĂȘme temps je nây crois pas. Les cris sont trop puissants, trop nombreux, trop Ă©tonnants pour quâils proviennent vraiment de ce gros rocher nidifiĂ©. Non, ce doit ĂȘtre une jungle, plutĂŽt.
Divagation adorĂ©e du petit-dĂ©jeuner parfois suivie dâune douche, dâun peu dâordinateur, et puis⊠il est dĂ©jĂ midi! Alors il faut faire Ă manger, puis manger, puis se reposer un peu pour digĂ©rer. Pour digĂ©rer, dis-je, mais il sâagit surtout de se dĂ©lecter des heures les plus chaudes du jour, Ă©talĂ©e dans lâherbe, toute mon attention portĂ©e sur la caresse du soleil sur ma peau.
Digression
Ah oui! Parce que ça y est, câest lâĂ©tĂ©! AprĂšs un Ă©pisode Ă©trange durant lequel la France entiĂšre, toutes les antennes, focalisĂ©es sur la canicule, nous rabĂąchaient les prĂ©cautions dâusage sous ces tempĂ©ratures extrĂȘmes tandis que nous vivions, nous, Bretons, dans le froid et lâhumiditĂ©. Jâinsiste, il a fait froid! AprĂšs cet Ă©pisode Ă©trange donc durant lequel je me demandais si nous habitions bien toujours le mĂȘme pays que ces « caniculĂ©s » tant nos rĂ©alitĂ©s respectives semblaient diverger. AprĂšs cet Ă©pisode Ă©trange, vraiment⊠le soleil est reparu! Il est lĂ depuis plusieurs jours maintenant et ne semble pas prĂȘt de nous quitter. Je mâen mĂ©fie cependant et travaille avec beaucoup de rigueur Ă tirer de lui chaque seconde de chaleur quâil veut bien me prodiguer. Pour lâhonorer, et mettre Ă profit le luxe dâune vie sur une Ăźle privĂ©e, je vaque Ă toutes mes occupations avec le moins possible dâhabits. Câest un peu contraignant lorsquâil sâagit dâĂ©claircir un roncier mais je prĂ©fĂšre me contorsionner face Ă ces lianes acĂ©rĂ©es plutĂŽt que de me contraindre Ă enfiler un tee-shirt. Gants de travail, culotte, sandales, voilĂ ma tenue favorite.
DĂ©tournement de fond
Bon, câest lâĂ©tĂ© mais reprenons le fil de cette journĂ©e dĂ©bordĂ©e. On Ă©tait rendu Ă la sieste digestive. Pour se dĂ©lester des vapeurs du sommeil, un petit cafĂ©. Mais dĂ©jĂ , ou presque, câest lâheure de lâapĂ©ritif, qui dĂ©bouche sans surprise sur le dĂźner. Et voilĂ le soir, nouveau moment de contemplation. Je mâassied. Non plus, comme au petit-dĂ©jeuner, face au joli jardin qui borde notre maison, mais face Ă la mer sur laquelle la lumiĂšre sâattendrit. La journĂ©e est passĂ©e sans quâon ait rien fait, mais sans quâon ait non plus eu le temps de faire quoi que ce soit. Une journĂ©e chargĂ©e, vorace, sans trop de pensĂ©es mais pleine de sens.
LâidĂ©e, au dĂ©part de cette tirade, Ă©tait de revenir sur ma journĂ©e dâaujourdâhui qui, contrairement Ă celle que je viens de dĂ©crire, Ă©tait bien remplie. Bien remplie de travail, jâentends. Je voulais partir de la prĂ©sentation rapide dâune journĂ©e dâoisivetĂ© pour introduire le vrai sujet de ce papier, sa rivale. Et puis, comme lorsque je pars mâaffairer sur lâĂźle Ă une tĂąche donnĂ©e, je mâarrĂȘte en chemin et suis lâidĂ©e qui a surgi: au travail comme ici, je mâĂ©parpille. Et jâaime ça, beaucoup, mais force est dâadmettre quâen laissant tout en plan, Ă moitiĂ© commencĂ©, Ă moitiĂ© terminĂ©, je nâavance pas bien vite et ai un peu lâimpression de rĂ©pĂ©ter inlassablement les mĂȘmes Ă©lans sans jamais en venir Ă bout. En ira-t-il de mĂȘme, vraiment, du prĂ©sent papier? Et bien oui, câest fini pour aujourdâhui.
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