« Être à distance » de Carla Guelfenbein: Et finir par accepter d’être touchée…
La peau est une grande bavarde parce que le toucher, de nos cinq sens, est le seul à être réciproque: quand je touche, je suis aussi touché. Chez la romancière chilienne, Émilia est une jeune trentenaire intouchable, perdue dans l’entre-deux d’une quête identitaire qui l’emmène de Grenoble à Santiago sur les traces d’une romancière obsédée par ce que cachent le ciel et l’au-delà des mots…
Émilia, sous le prétexte de lui consacrer sa thèse, part à la rencontre d’elle-même.
Dans ce chemin de soi, elle va croiser l’architecte Daniel. De leur tâtonnante et contemporaine histoire d’amour que Carla Guelfenbein enchevêtre dans une triple narration avec celle, plus ancienne, de Vera et de Horacio, « son » poète et amant, va naître la possibilité d’un vivre autrement où les corps peuvent enfin entrer en contact et atteindre une part de l’autre. Leur projet commun, l’établissement d’un restaurant au bord d’une falaise dominant l’océan offre l’opportunité d’une convivialité (le mot est de Brillat-Savarin), cette possibilité d’un vivre ensemble autour d’un repas partagé dans un plaisir de communauté…
Carla Guelfenbein
est née en 1959 à Santiago du Chili. Exilée pendant onze ans en Angleterre, elle y étudie la biologie et la génétique, puis le dessin. De retour au Chili, elle travaille dans des agences de publicité et devient directrice artistique du magazine Elle.
À 40 ans, elle abandonne cette tranquillité pour écrire et rencontrer immédiatemment son lectorat.
À propos de « Contigo en la distancia » – c’est le titre d’une chanson cubaine -, on notera qu’en 1923, dans « Le Moi et le Ça », Freud questionne la structure reflexive du toucher. Une peau qui touche est en même temps une peau qui est touchée. L’enfant touche avec le doigt et le met à la bouche. Le « Moi-peau » est par ailleurs un concept psychanalytique théorisé par Didier Anzieu. Le bébé, pour survivre et construire son psychisme, s’appuie sur les sensations qu’il ressent à la surface de sa peau et intègre progressivement ce qu’il reçoit de son environnement et de celles – à commencer par sa mère – et ceux qui l’entourent.
Carla Guelfenbein n’est jamais allée sur un divan mais la reconstruction d’Émilia dans ce roman ne peut se faire que parce que sa peau redevient sensible à la caresse…
Ce Mot à mot a été enregistré à l’occasion du Festival Biarritz Amérique latine (Le palmarés 2017… ).
« Être à distance » (« Contigo en la distancia ») – Traduit par Claude Bleton.
« Vera Sigall, romancière octogénaire aussi discrète qu’adulée, est retrouvée inconsciente au pied de son escalier, victime d’une chute supposément accidentelle – mais une porte dérobée de sa maison est restée entrouverte… Son ami Daniel, de cinquante ans son cadet, architecte sans illusion et mari mal aimé, est troublé par les conclusions de l’enquête. Dans la salle d’attente de l’hôpital, il fait la connaissance d’Emilia, étudiante franco-chilienne qui consacre sa thèse à l’oeuvre de la romancière. Elle était venue au Chili pour la rencontrer, sur la recommandation chaleureuse d’Horacio Infante. Cet éminent poète, ancien amant de l’écrivaine, a mystérieusement pris Emilia sous son aile.
Ensemble, la jeune femme et Daniel affrontent les secrets de la liaison passionnelle et destructrice de ces deux monstres sacrés, unis par un pacte indicible depuis plus d’un demi-siècle, et commencent à écrire la légende de leur propre histoire.
Autour du corps inanimé de Vera, telles des planètes en gravité tirant leur énergie d’une superbe étoile, chacun vient mettre en scène ses plus intimes failles et faire l’inventaire des zones d’ombre du mensonge et de la vérité, du talent et de la médiocrité, de la consécration et de l’oubli. » (©Actes Sud)
« Ma femme de ta vie » (« La mujer de mi vida ») – Traduit par Claude Bleton.
« Ils sont deux amis, jeunes, beaux, idéalistes et désespérés, que Londres réunit dans les années 1980. Entre Theo, étudiant anglais en sociologie, et Antonio, auréolé de sa gloire d’exilé chilien, l’attraction est immédiate. Ils refont le monde au rythme des mélodies envoûtantes de Joan Baez ou Bob Marley ; l’engagement politique de l’un contre la dictature exacerbe la soif de liberté de l’autre – une liberté bridée par les austères années Thatcher. Ils sont frères d’armes, qui se sont juré une loyauté à la vie et à la mort. L’irruption de la belle Clara aura raison de leur promesse.
S’ensuivent quinze ans de silence ; Theo court après ses chimères. Correspondant de guerre, il arpente camps de réfugiés et villes dévastées, quand, un jour, Antonio, devenu le mari de Clara, l’invite au Chili pour le mettre à nouveau face à face avec la femme de sa vie. » (©Actes Sud)
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