Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula # 127: Un « Gaou à Bidjan »…
Changement de ton pour cette chronique! Marco et Paula donnent la plume à un jeune invité, « Tobie-le-Gaou » -Tobie est son prénom. « Le Gaou » est pour les Ivoiriens, un plouc, un niais en nouchi, la langue de la rue, comme l’a popularisé la chanson de Magic System: « Premier gaou »- venu à Abidjan pour faire ses premiers pas en Afrique.
C’est presque sur un coup de tête que je décidais – il y a peu – de rendre visite à mes amis Marco & Paula, moi jeune français rêvant d’aventure et de découvertes.
Ne connaissant pas particulièrement l’Afrique Noire je trouvais également un prétexte dans cette ignorance toute mienne pour me rendre sur les bords du Golfe de Guinée.
Il est 22h à « Bidjan »* et l’avion effectue sa ronde habituelle sur le tarmac de l’aéroport Houphouët-Boigny. Une fois les formalités effectuées dans l’ambiance neutre et froide de l’aéroport – il n’y a qu’une petite mélodie du pays qui grésille sur un vieux poste de radio – je me dirige vers la sempiternelle sortie des voyageurs. Contraste, le hall du terminal est bondé et il me faut cinq bonnes minutes avant de trouver mes amis!
Une fois sorti, la chaleur humide de la capitale me monte à la tête. J’ai la chance de bénéficier d’une visite guidée le temps du trajet. Je découvre des quartiers très différents les uns des autres, des populations hétéroclites; Treichville, Adjamé, la Zone 4, le Plateau se succèdent… Les rues sont bondées, un accident spectaculaire a laissé une voiture qui repose sur le toit.
Une nuit trouble m’attend. Le sommeil ne me prenant pas, je reste quelques minutes sur le balcon sous lequel la ville s’étend jusqu’à la lagune qui l’enserre de part en part.
Pour échapper à cette ambiance mutique, je mène mes pas vers la plage que je longe sur plusieurs kilomètres dans l’espoir de me retrouver seul au monde.
La mer est très violente, on y voit des vagues de plus de six mètres de haut (sic!) que la lame de fond rapporte violemment. Les rares habitants que je croise me regardent parfois surpris, parfois hagards et je me prends à penser que mes regards doivent leur donner le change.
Le sable est jonché de déchets et d’excréments de toutes sortes. Je zigzague pieds nus jusqu’à l’endroit où eaux douces et salées se mêlent. Le sentiment de vulnérabilité est alors grandissant. Je découvre qu’une propriété de mon corps jusqu’alors méconnue change ici profondément la donne: ma blancheur. Mes amis ayant déjà suffisamment décortiqué cette sensation, je n’irai pas plus avant. *** Il n’empêche, ce sentiment nouveau va me poursuivre partout où j’irai.
Quelques jours plus tard, nous décidons – avec Paula – de prendre la tangente en quittant « Bidjan » pour les mystérieuses régions nordiques du pays… La Côte d’Ivoire procède en effet d’un entre-deux. Schématiquement, le Sud est majoritairement chrétien quand le Nord est musulman. Le Sud est vert de ses mangroves et forêts tandis que le Nord propose à la vue des étendues très larges de savanes … « vertes » **** jusqu’à la frontière malienne.
[A suivre]
* Lorsque nous sommes passées à la bibliothèque, Nathan a déniché un roman introuvable car épuisé en France: « Un Attiéké pour Elgass » de Tierno Monénembo. Après cela, Abidjan est devenu Bidjan alors que ce petit nom est guinéen. Ah ce Gaou!, aucun respect pour les frontières….
**** Selon un ami ivoirien, la graduation paysagère du Sud au Nord est l’attrait principal du voyage par la route. La graduation fut bien trop subtile pour nous. La savane locale ressemblait furieusement aux paysages vues plus au sud.
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