Leïla Slimani (Goncourt 2016) et Éric Génovèse: enfer et damnation!

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Irrémédiable! Quand l’infanticide ouvre l’entame d’un roman dans lequel l’auteure explore la constellation psychique, sociale ou quotidienne qui fait le passage à l’acte d’une nounou: « Chanson douce » d’une singulière intensité. Quand le grand capital et les nazis s’accouplent et que s’ouvrent les portes de l’enfer. « Les damnés » passent de la caméra de Visconti à la scène de la Comédie Française

Des mots de minuit #540. Octobre 2016.

 

Leïla Slimani a la volonté journalistique et la curiosité militante. Le Maroc qu’elle a quitté adolescente pour des études parisiennes reste le repère d’un pays où la question du féminin et de la place de la femme dans la société est gigantesque. De quoi nourrir un documentaire qu’elle signera en 2017. La romancière (« Dans le jardin de l’ogre« , « Chanson douce ») agrippe le lecteur dans des spires infernales qui, de la nymphomanie à l’infanticide, disent autrement les stigmatisations, les intranquillités ou les solitudes qui assignent ou clonent les comportements mais éloignent les êtres.
Éric Génovèse a du sang sicilien, le sens de la musique et un parcours au Français qui facilitent la connaissance des états d’âme et des gestuelles, qu’il soit Scipion ou se voit attribuer le rôle de la nuit dans une pièce de Molière, qu’il soit mis en scène par Youssef Chahine ou Jorge Lavelli, qu’il récite ou organise un plateau d’opéra. Malgre le métier, l’affaire se complique pourtant quand il s’agit de tendre le bras et d’incarner la symbolique et la domination nazies. Il y a dans cette difficulté d’un acteur à trouver un geste et son automatisme toute la puissance délètére de l’époque et des accouplements mortifères dénoncés dans « Les Damnés ».               

« Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame. 

À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant. » ©Gallimard

« Seuls quelques théâtres ont une notoriété mondiale. La Comédie-Française est l’un d’eux. Qu’on me sollicite aujourd’hui pour mettre en scène cette merveilleuse troupe est comme un rêve d’enfant qui se réalise…
J’ai choisi Les Damnés de Luchino Visconti. On y narre l’histoire de l’alliance venimeuse entre des hommes politiques au plus haut niveau de l’État et une famille régnant sur la toute puissante industrie sidérurgique. Le réalisateur situe l’action à un moment charnière de l’histoire européenne : la montée du fascisme en Allemagne. Je pense que l’observation attentive de ces mécanismes nous donne des clés pour aborder les grands sujets de notre temps. À travers les grandes scènes somptueuses du film, Visconti nous plonge dans les abysses du comportement humain et montre la facilité avec laquelle cette famille, par unique appât du gain, pactise avec un régime d’extrême droite.
Grandeur et décadence d’une famille aussi cupide qu’influente et d’un système politique immoral. Ou bien s’agit-il avant tout d’une histoire qui nous pousse à réfléchir au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui? »

Ivo van Hove (printemps 2016).  

« « Les notions de beauté et de grâce peuvent paraître aujourd’hui probablement galvaudées, voire prétentieuses ou arrogantes ; elles sont pourtant parties intégrantes du travail et de la recherche de perfectibilité d’un acteur, et de tout artiste en général au fil de sa carrière, et de sa vie… » Le souvenir de cette grâce, comme une expérience éphémère propre au meilleur des théâtres, Éric Génovèse l’a conservé dans sa mémoire. Ce comédien et metteur en scène n’a cessé de la rechercher au fil de ces années auprès de ses confères, des metteurs en scène qu’il a pu rencontrer, et dans son travail d’acteur, cherchant soir après soir à communiquer sur cette base avec un public qui ne sera présent qu’un seul soir. Après une formation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de 1989 à 1991, il entre à la Comédie-Française le 1er décembre 1993, et devient le 499e sociétaire de la troupe le 1er janvier 1998… » ©Comédie-Française

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