« Chanson douce » de Leïla Slimani: une nounou d’enfer

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Auteur du très remarqué « Dans le jardin de l’ogre », Leïla Slimani récidive avec un roman qui fait froid dans le dos.

Ne vous fiez ni au titre du deuxième roman de Leila Slimani, ni à la prétendue douceur de son héroïne Louise. Avec ses cheveux blonds, son teint diaphane et sa taille fillette, on lui donnerait volontiers le Bon Dieu sans confession et la garde de ses enfants. Erreur fatale que vont commettre Paul et Myriam, couple de bobos parfaitement soumis aux impératifs de performance de notre société. Myriam se rêve en mère idéale et en reine du barreau. Paul en producteur génial et en papa poule. Las à vouloir courir trop de lièvres à la fois, Paul et Myriam s’épuisent. Aussi décident-ils d’engager une nounou. Ils procèdent à un casting et tombent sur la perle rare. A priori rien que de très ordinaire. Si ce n’est que le lecteur sait, dès les premières pages, que cette jeune femme aux faux airs de Mary Poppins est une meurtrière

Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert.

Les premières lignes de « Chanson douce »

Les premières lignes de « Chanson douce »
Tout le génie de Leïla Slimani consiste en cet incipit semblable à une bombe qui inscrit le récit dans une tension insoutenable. A partir de là chaque détail, chaque étape fait sens. L’arrivée de la nounou qui ressemble à une fée. La grâce qu’elle met dans le quotidien du couple. L’adoration que lui vouent les enfants. Jusque là tout est normal. Puis insidieusement la jeune femme devient indispensable. On finit par l’emmener en vacances. Elle s’occupe tellement bien des charmants bambins. Mais nul n’est infaillible et la nounou rattrapée par ses difficultés finit par déraper. Une première fois. Une deuxième et peu à peu le processus s’emballe jusqu’au drame final.
D’une maîtrise totale, d’un suspens envoûtant, le deuxième roman de Leïla Slimani dénonce sans en avoir l’air les préjugés de classe, de culture, les rapports de domination et d’argent, qui régissent notre monde. Chanson douce? Pas vraiment.

Une chanson douce – Leïla Slimani – Gallimard – 240 pages
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(photo d’illustration © Catherine Hélie – éditions Gallimard)


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La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr