Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #87: Le glas a sonné, j’ai bu mon thé

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Comme les autres, Marco n’a rien vu venir. Parti se coucher sur l’idée rassurante qu’avec quatre points d’écart séparant l’une de l’autre, il allait pouvoir dormir sur ses deux oreilles, il s’est réveillé dans un monde qui tout d’un coup ne ressemblait plus à rien de connu.

Ce mercredi matin là, comme 25 % de l’électorat américain et des millions de cosmopolites, j’ai eu un choc légèrement teinté de répulsion: Le Trump allait s’asseoir dans le fauteuil d’Obama (métaphoriquement, bien sûr – le vrai fauteuil sera remplacé par du mobilier à son infaillible mauvais goût). Comment ce « sexist pig » qui vit dans un univers perpendiculaire à la réalité se retrouvait là, était matière à profonde perplexité. Évidemment, j’étais bien conscient qu’un autre 25 % de l’électorat américain, au contraire, savourait que ce cochon se vautra dans la mare de l’establishment. Et comme même au réveil je sais faire de l’arithmétique, je me demandais enfin ce que pouvait bien ressentir les 50 % d’électeurs américains qui, eux, n’avaient pas voté. Rien, peut-être. Sauf un soulagement que ce cirque électoral allait enfin replier sa tente et emmener ses ânes et ses éléphants qui n’amusent vraiment plus les enfants.

Je joue avec les fantasmes des gens. J’appelle ça l’hyperbole véridique… Une technique de promotion très efficace!

Donald Trump. 1987.

Donald Trump. 1987.
Notre mental, en dépit des prétentions de notre modernité, fonctionne encore beaucoup sur des ressorts mécanistes et dans ces circonstances, et particulièrement dans ces circonstances, on se dit vite que, bah, dans quatre ans ce bouffon se sera couvert de ridicule, un politicien plus décent s’installera à sa place, les Américains en colère auront retrouvé leur bonne humeur, et la vie reprendra un cours normal. Tout va s’ajuster, et les choses qui allaient dans un sens vont repartir dans l’autre sens, comme un petit train, me disais-je. Avec assez de conviction pour boire mon thé sans vomir.

 

Mais, on ne vous l’a peut-être pas dit, il n’y a pas de petit train. Trump au pouvoir, ce n’est pas comme une petite locomotive bizarre qu’on va pouvoir détourner; Trump à Washington, c’est du poison dans votre martini. Impossible de revenir en arrière, et de séparer le poison de la vodka. Votre cocktail est devenu imbuvable. C’est le drame de l’histoire – on ne peut pas changer le passé, on ne peut pas effacer les massacres, on ne peut pas retrouver l’innocence. Trump et sa clique vont laisser leurs traces dans nos livres d’histoire, et on ne pourra pas se dire, oublions, effaçons cette petite rature. Nos trajectoires politique, sociale, économique, et environnementale vont être déviées dans des directions qui n’augurent rien de bon. En tout cas rien de bon pour l’intello cosmopolite et esthète qui nomadise dans la globalisation et écrit une rubrique dans des mots de minuit.

Petite vignette amusante : ouvrez un moteur de recherche, et tapez « sexist pig ». Quand je l’ai fait, à peu près la moitié des citations de la première page faisaient référence au Trump. On se promène vraiment dans Gotham City, et bientôt vous allez voir surgir le Joker. Vous verrez.
 

Tout le monde ne réagit pas à cette élection à la manière des habitants de notre sphère hyper-médiatisée. Ce weekend, une amie ivoirienne me demanda, de manière assez ingénue: « Alors, c’est la dame qui a gagné? »

 

 Tout Nomad’s land.

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