« Coincidence » de Antoine Boyer & Samuelito: avoir vingt ans dans les oreilles
Le célèbre « European Guitar Award » de Dresde les a couronnés. Dans le panier de récompenses, Antoine Boyer, 20 ans, et Samuelito 23 ans, les lauréats, se voient offrir la production d’un disque pour leur duo. Le voici qui sort, comme un feu d’artifice inattendu, où la puissance de la jeunesse et la liberté de ton offrent au répertoire guitaristique de ces 2 surdoués une nouvelle route possible.
Ils sont les deux lauréats 2016 du prestigieux European Guitar Award de Dresde. Ce concours leur a offert la production d’un disque. Cadeau offert aux meilleurs. Cette anné-là, ce fut eux les meilleurs. A l’unanimité. Ce CD qui sort est d’abord le résultat de leur victoire. Enregistrés en trois jours, au Waldhausstudio de Birkkholz en Allemagne, 8 titres, comme un jeu de piste, ou un journal de voyage.
Antoine Boyer, est peut-être né à Saint-Cloud (92), mais la guitare à la main, il parle manouche comme un enfant de vent.
Samuelito, lui, est normand, certes, mais la guitare à la main -parfum de cyprès et d’orange- il parle andalou comme un vieux savant gitan. Allez comprendre les mystères des cultures adoptées. Choix, hasards, rencontres improbables, accidents de parcours, les faits sont là. Antoine Boyer est entièrement un musicien de jazz manouche étincelant et modeste.
Samuelito est « puro » flamenco quand il ne joue pas du classique ou de la samba ou que sais-je encore. Antoine et Samuel, deux jeunes sorciers en voyage! La généalogie des musiciens se moque bien des frontières et des gènes.
Antoine et Samuelito ont bien sûr toujours été guitaristes. Bien avant l’adolescence leurs cartes étaient dejà distribuées. Comment, à entendre leur incroyable maîtrise, pourrait-il en être autrement?
Je ne devais pas avoir six mois, que j’avais dans mon landeau une toute petite guitare plutôt qu’un nounours. Je n’ai pas vécu sans guitare. Dès le début, entre mon père et mon grand-père, la guitare était toujours à portée de mes mains. Aussi loin que je m’en souvienne.La question de jouer ou de ne pas jouer ne s’est jamais posée à moi.
Samuelito
Samuelito
Leurs biographies, malgré leur jeune âge, sont déjà longues comme le bras, celle d’Antoine comme celle de Samuelito. Du conservatoire (de Paris), au « conversatoire » (ce disque), leur rencontre devait avoir lieu. La voilà!
Pourtant, ils avaient, l’un comme l’autre, choisi des territoires musicaux distincts qui, d’habitude, ne se parlent pas, n’échangent pas, mais l’envie de « se jouer » ensemble, de se mesurer, de s’inviter, de se défier aussi peut-être, fut plus forte.
Depuis toujours ma famille écoutait Bratsh, Angelo Debarre, Django, et quand j’ai eu 6 ans mon père m’a très naturellement demandé si je voulais faire de la guitare. Pas plus compliqué que ça. Une évidence.
Antoine Boyer.
Antoine Boyer.
J’allais écrire: Antoine joue comme un vrai manouche. Mais cela est faux. Certes, les heures passées en compagnie des grands maîtres du genres, lui ont imprimé dans l’âme tous les secrets ou presque des rythmes et du swing de ce peuple dansant, mais dans le cas d’Antoine ce n’est pas tout. Il joue comme un manouche, ok, mais aussi ailleurs, dans un autre univers, lié bien sûr viscéralement au premier. Ses lignes de basse et ses chants dans les médiums sont nouveaux, splendides et uniques. S’il joue comme un manouche, aucun manouche ne joue comme lui. Et quand il se met à faire, avec son son, sa guitare manouche, du flamenco…
Tandis qu’Antoine s’imbibait de Django ou de Stochelo Rosenberg Samuelito, lui, bossait son Paco de Lucia ou son Vicente Amigo, bien sûr, et faisait sienne la vaste et complexe science andalouse de la guitare espagnole. Mais ce n’est pas tout. Son sens et sa science de l’harmonie classique et contemporaine sont comme autant de fenêtres ouvertes dans la maison flamenca.
« Coincidence », 8 titres donc, et pas un reproche. Juste des encouragements du haut de mon âge. A vingt ans, si je me souviens bien, on a peur de rien? Et bien 46 minutes durant, ici, cela s’entend. Ce goût du risque, cette absence de trouille, cette ignorance de l’économie et des facilités.
Ah, avoir vingt ans dans les oreilles…
Et tout à coup c’est un peu comme si Django et Paco, jeunes et pleins d’envies, se rencontraient au hasard, sur un chemin vagabond, derrière une caravane. Un rêve qui pourrait se donner à entendre dans ce disque malicieusement intitulé « Coincidence ». Comme si leur rencontre pouvait en etre une…
« Latch Drom! » dit Antoine; « Olé! » lui répond Samuelito. Demain leur appartient.
Sortie le 3 décembre. Distribution Harmonia Mundi.
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