Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #103: Des chauves-souris et des hommes
Marco musarde, les yeux perdus dans le ciel à la poursuite de souris chauves et de quelques idées
Aparté: savez-vous que je n’ai pas pu trouver d’adjectif pour parler de ce qui se rapporte aux chauves-souris. Ni d’adjectif pour ce qui se rapporte aux sorciers ou sorcières? – des propositions, quelqu’un? (écrire à desmotsdeminuit@francetv.fr)
Je ne vais même pas essayer de prendre une photo du phénomène. Ni ce soir, ni jamais. C’est le mouvement qui capture. Les chauves-souris ne sont pas comme les sardines qui nagent en bancs hautement synchronisés; les chauve-souris sont des individualistes, elles suivent chacune un plan de vol imprévisible. Et elles sont des milliers à s’envoler, sans jamais créer l’impression de chercher à éviter leurs congénères. En plissant un peu les yeux vers le lointain on pourrait imaginer contempler un tourbillon de flocons de neige.
En observant mes chauves-souris, je n’ai pu m’empêcher de comparer ce ballet aux amas chaotiques de mes propres congénères aux volants de leurs voitures, qui semblent eux être essentiellement préoccupés de bloquer tout ce qui pourrait ressembler à du mouvement. Et comme disait un collègue ce matin, comment voulez-vous que le pays aille vers l’émergence avec un pareil foutoir ?
Le chaos de la circulation a-t-il quelque chose à voir avec le développement? C’est un chemin de rêverie sur lequel je m’embarque souvent au volant, c’est à dire quand j’arrive à échapper aux vagues déferlantes d’irritation qui me submergent régulièrement en conduisant dans Abidjan.
Je suis tombé récemment, sur un site consacré aux sciences et à la technologie, sur un article sur les relations observables entre circulation et corruption. Fort logiquement, moins la loi est appliquée dans un pays (selon l’indicateur de l’état de droit du World Justice Project), plus le nombre d’accidents augmente. Selon une autre étude, la relation du nombre d’accidents mortels et du niveau de revenu du pays suit une courbe en cloche: dans les pays les plus pauvres le nombre relatif d’accidents est moins élevé et il augmente progressivement jusqu’à un revenu annuel par habitant d’environ 10.000 euros; ensuite, plus le niveau de vie augmente, plus le nombre d’accidents diminue (relativement, of course, my dear Paula).
Bon, d’accord, et alors? Alors, rien, sauf pour une étude qui indique que le nombre d’accidents peut être corrélé à certaines valeurs culturelles: le nombre d’accidents diminue dans les pays où l’on observe une plus grande autonomie intellectuelle, tandis qu’il augmente dans les pays avec une structure sociale fort hiérarchisée.
Et tout cette musarderie me ramène à l’une de mes obsessions favorites: la relation entre culture et développement. Mais c’est un sujet fort délicat. Je crois que je vais plutôt retourner observer mes chauves-souris ; elles ont un dortoir dans le haut de l’arbre qui est en face de ma fenêtre. Mais je ne vais pas me transformer en Batman. Ici, les chauves-souris, on les chasse, on les grille et on les mange.
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