Théâtre Odéon Berthier: « Un amour impossible », quand il s’agit de dire l’amer!

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Bulle Ogier et Maria de Medeiros interprètent remarquablement la mère et la fille, écrites par Christine Angot dans « Un amour impossible ». L’indéfectible lien pour panser l’irréparable.

Quand la metteuse en scène Célie Pauthe  découvre « Un amour impossible », ce  livre de Christine Angot paru en 2015,  elle imagine le porter au théâtre.
De leur rencontre et de l’adaptation de son roman pour la scène de l’auteure naît ce spectacle: une succession de dialogues mère-fille interprétés par Bulle Ogier et Maria de Medeiros, une somme, une vie… 

 

Cette idée m’a séduite par le défi théâtral qu’elle contient: seul le théâtre est un médium qui permet de telles incursions dans le temps. Quand Christine m’a fait cette proposition, je lui ai demandé que la pièce permette un effet de flashback, s’ouvre sur une séquence de leur vie proche des âges qu’ont Bulle Ogier et Maria de Medeiros aujourd’hui, de manière que les spectateurs puissent vivre le glissement vers l’enfance, assistent en direct à ces retours en arrière.

Célie Pauthe, entretien mené par Laetitia Dumont-Lewi. Odéon octobre 2016

Cette conversation est inscrite par le décor dans les temps de l’enfance, de l’adolescence ou de la maturité. Des appartements, à Châteauroux et à Reims, de Rachel Schwartz, la mère aux lieux parisiens de Christine se joue le récit de leur vie et de leurs si indéfectibles liens. Le premier d’entre eux: un homme, « brillant« , reconnu socialement mais doublement destructeur comme amant et  père incestueux.    
Pierre Angot et Rachel Schwartz n’étaient pas du même milieu. Ils se sont aimés. Sans plus: un monsieur de bonne famille parisienne, érudit, ne s’engage pas avec une femme, juive, provinciale, de milieu modeste. Cette union bancale donne une fille que le père n’avait évidemment pas l’intention de reconnaître. Christine vivra donc seule avec sa mère et ne rencontrera son père qu’à l’adolescence… Paradoxalement dans l’enthousiasme de la découverte, avant la salissure et  l’impossible à dire pour l’enfant et à deviner par la mère.

 

Essayer d’écrire, pour moi, c’est essayer de me souvenir que j’ai été dedans. Dans les choses. A l’intérieur des moments. Sans surplomb; En train de vivre. Pas d’avoir un discours sur. Sur la mère c’est particulièrement impossible. Mais à travers la connaissance que j’en ai, je voulais écrire ce que c’est avoir une mère.

Christine Angot, Conférence à New York septembre 2015

La pièce explore cette chape à l’épreuve du temps: son évolution, sa transformation et sa résilience grâce aux mots enfin advenus. Le travail théâtral est structuré par les dialogues, les témoignages filmés de ces deux femmes si proches, si ignorantes l’une de l’autre, les coups de téléphones, et quelques flashbacks. Douloureux récit de deux victimes d’un mâle dominant mais histoire universelle, sociale et moderne: domination, pouvoir et toute puissance.

Le jeu des deux comédiennes est d’une rare justesse. Maria de Medeiros, enfant otage d’une histoire qui lui échappe et récitant une poésie, adolescente meurtrie, adulte perdue puis écrivaine de son histoire est toujours vraie dans les âges de son interprétation. Bulle Ogier est simplement touchante en mère aimante mais soumise et coupable de n’avoir pas vu et pas su réagir quand elle a su. L’accueil chaleureux du public est là, comme pour réparer un immense gâchis.

 

« Un amour impossible » d’après le roman de Christine Angot, adapté par l’auteur, mise en scène Célie Pauthe
Jusqu’au 26/03/2017, Théâtre de L’Odéon,  Ateliers Berthier Paris

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