Les Carnets d’ailleurs de Marco et Paula #120: Paula versus machine: 0-1
C’est ce moment du mois quand il faut payer le loyer. En liquide, évidemment, puisque nous n’avons pas de compte bancaire local. Paula fait donc sur quelques jours plusieurs voyages à la machine dans le mur.
Game over! Mais elle ne veut plus jouer.
Après deux nouvelles demandes infructueuses, je dois en prendre mon parti. Ses « bienvenue » ne me sont plus adressés: « Au suivant! » Impossible d’allonger le bras pour la saisir par le col et lui faire rendre gorge, cette machine est un bête cube, rétif à toute intimidation (encore un jour où je regrette de ne pas avoir de bazooka).
Bien que revêche, pensé-je, ce DAB* devrait réaliser en fin de journée que sa balance est bancale et ne pas me débiter mon compte.
Toutefois, finalement peu confiante dans l’ingénuité du système, je décide de m’adresser aux humains et compose le numéro du service clientèle. J’ai de la chance, je ne tombe pas sur un de ces serveurs vocaux – bien moins défaillants et surtout moins chers, blablabla… qui vous baladent de « tapez 1 » en « tapez 4 » pour revenir au « menu général ». A l’aimable agent qui me répond (au contraire des machines, il est noté sur son amabilité), j’explique que la machine a ravalé mes billets. J’ai bien cherché un autre terme que « ravaler » sans en trouver d’aussi explicite. Mon interlocuteur prend mes coordonnées et assure qu’il me rappele dès qu’il saura quelle procédure il faut suivre.
Les services ivoiriens étant ce qu’ils sont, c’est à dire parfois franchement désinvoltes, j’envoie un email à mon banquier en France pour lui signaler l’incident. Il en prend note et me propose d’épuiser la procédure ivoirienne avant de revenir vers lui.
Deux jours plus tard, je rappelle le service clientèle qui m’a oubliée mais ne semble pas s’en émouvoir. Il me conseille alors une mise en relation entre ma banque et sa branche ivoirienne; je l’accomplis immédiatement. Il me suggère également de me rendre au service monétique du siège bancaire, au cas où… Comme nous sommes vendredi et que ce jour-là, les services quand ils fonctionnent sont fortement ralentis, je programme cette visite le lundi. D’ici là, l’automatisation devrait avoir rempli son rôle de rendre caduque toute intervention humaine en annulant d’elle-même ce retrait infructueux. Malgré ma méfiance viscérale pour les machines, je garde quelque espoir.
Il n’en est rien. Le soir, je constate que mon compte a été débité, me rendant fort dépitée.
Ce lundi, je me rends donc au siège pour traiter avec des humains puisque la machine a failli. Lorsque j’explique mon cas, je sens mon interlocutrice quelque peu goguenarde. Tout usager familier des DAB** sait bien qu’il dispose de 5 secondes (sic) pour saisir les billets. Alors vraiment de quel village je débarque pour ne pas avoir été suffisamment rapide? Un peu agacée, je signale qu’aucune consigne ne mentionne l’obligation d’être vif pour retirer l’argent et que je ne suis pas entièrement débutante dans cette pratique. La mention à dessein de mon âge l’oblige à me considérer avec plus de respect, en bonne Ivoirienne respectueuse des anciens. Ignorant superbement la copie du mail de ma banque expliquant mes déboires – la démarche que m’avait indiquée le service clientèle – elle me tend une feuille vierge et me demande de rédiger une réclamation. Me voici donc obligée pour ramener une machine à la raison d’écrire une lettre manuscrite. Ça me fait bien sourire.
Me fait aussi sourire, ou grincer si je veux être honnête, l’idée de toutes les procédures et démarches engendrées par une minute d’inattention devant une machine. Je refuse de me sentir embarrassée. Si j’avais pu retirer mon argent auprès d’un caissier, cet incident n’aurait pas eu lieu. Au pire, le caissier m’aurait raillée pour ma lenteur.
*DAB: Désireuse d’avoir vos billets?
**DAB: Déboires assurés pour les « bolos »
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