« En réalité chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. » (Marcel Proust, Le Temps retrouvé).
Depuis quelques semaines, j’ai l’impression que le ciel me tombe sur la tête, et pas seulement à cause des attentats ou des résultats du FN dimanche dernier.
Il y a environ deux mois, après quelques examens médicaux, une IRM a révélé que j’avais un adénome, c’est-à-dire une petite tumeur au cerveau. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est bénigne, mais la mauvaise, c’est qu’elle est mal placée et qu’il va donc falloir s’y attaquer, d’abord par médicaments puis par une petite opération si ça ne marche pas, pour éviter qu’elle évolue en macro-adénome potentiellement malin.
Je pense ne jamais avoir été hypocondriaque, mais lire la notice du médicament m’aurait vraiment inquiétée si les exemples proposés n’étaient presque comiques: il y est précisé que le médicament peut entraîner une difficulté à maîtriser ses émotions, notamment un besoin incontrôlable de dépenser de l’argent ou une libido débridée. Heureusement que mes cours se sont finis avant-hier: qui sait, j’aurais pu me jeter sur mes élèves, hors de moi, pour leur voler leur portefeuille ou tenter d’attenter aux mœurs si respectables de l’Université.
J’ai beau me dire qu’il ne faut pas chercher des symboliques artificielles, je ne peux pas m’empêcher de me demander d’où vient cet adénome, puisque j’ai bien dû le créer moi-même. Ça serait trop facile de l’attribuer à ma thèse, mais avoir une tumeur au cerveau, même bénigne, c’est quand même dur à encaisser. C’est bizarre, parfois, la vie. Je m’inquiétais de ne pas avancer assez vite la rédaction de ma première partie, et pour la première fois, je réalise que je pourrais mourir moi aussi, comme tout le monde, et que la terre continuerait à tourner sans moi.
Et si je devais mourir dans quelques semaines, est-ce que je continuerais ma thèse? Je ne la finirais pas, c’est sûr, mais au fond, il faudrait bien que je m’occupe. Alors, oui, je continuerais sans doute à lire Proust.
Et c’est vraiment bizarre, encore une fois, les intuitions ou les prémonitions qu’on peut avoir. Dans « Combray« , le héros décrit sa tante Léonie qui est totalement hypocondriaque, et qui ne quitte plus d’abord sa maison, puis sa chambre, puis son lit. Elle ne reçoit que de rares visites, et ne parle jamais trop fort car « elle croyait avoir dans la tête quelque chose de cassé et de flottant qu’elle eût déplacé en parlant trop fort« . Comme je cite cette phrase dans mon premier chapitre, je m’étais réveillée il y a quelques semaines en ressassant cette phrase qui m’intriguait. Ce qui est bizarre, c’est que Léonie ne redoute pas de casser mais d’aggraver une fêlure qu’elle aurait dans la tête.
Cette phrase m’a trotté dans la tête pendant tout un week-end, et le mardi suivant, c’est moi qui apprenais que j’avais cet adénome.
Comme l’écrit Proust, j’étais bien lectrice de moi-même, par anticipation.
Il y a environ deux mois, après quelques examens médicaux, une IRM a révélé que j’avais un adénome, c’est-à-dire une petite tumeur au cerveau. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est bénigne, mais la mauvaise, c’est qu’elle est mal placée et qu’il va donc falloir s’y attaquer, d’abord par médicaments puis par une petite opération si ça ne marche pas, pour éviter qu’elle évolue en macro-adénome potentiellement malin.
Je pense ne jamais avoir été hypocondriaque, mais lire la notice du médicament m’aurait vraiment inquiétée si les exemples proposés n’étaient presque comiques: il y est précisé que le médicament peut entraîner une difficulté à maîtriser ses émotions, notamment un besoin incontrôlable de dépenser de l’argent ou une libido débridée. Heureusement que mes cours se sont finis avant-hier: qui sait, j’aurais pu me jeter sur mes élèves, hors de moi, pour leur voler leur portefeuille ou tenter d’attenter aux mœurs si respectables de l’Université.
J’ai beau me dire qu’il ne faut pas chercher des symboliques artificielles, je ne peux pas m’empêcher de me demander d’où vient cet adénome, puisque j’ai bien dû le créer moi-même. Ça serait trop facile de l’attribuer à ma thèse, mais avoir une tumeur au cerveau, même bénigne, c’est quand même dur à encaisser. C’est bizarre, parfois, la vie. Je m’inquiétais de ne pas avancer assez vite la rédaction de ma première partie, et pour la première fois, je réalise que je pourrais mourir moi aussi, comme tout le monde, et que la terre continuerait à tourner sans moi.
Et si je devais mourir dans quelques semaines, est-ce que je continuerais ma thèse? Je ne la finirais pas, c’est sûr, mais au fond, il faudrait bien que je m’occupe. Alors, oui, je continuerais sans doute à lire Proust.
Et c’est vraiment bizarre, encore une fois, les intuitions ou les prémonitions qu’on peut avoir. Dans « Combray« , le héros décrit sa tante Léonie qui est totalement hypocondriaque, et qui ne quitte plus d’abord sa maison, puis sa chambre, puis son lit. Elle ne reçoit que de rares visites, et ne parle jamais trop fort car « elle croyait avoir dans la tête quelque chose de cassé et de flottant qu’elle eût déplacé en parlant trop fort« . Comme je cite cette phrase dans mon premier chapitre, je m’étais réveillée il y a quelques semaines en ressassant cette phrase qui m’intriguait. Ce qui est bizarre, c’est que Léonie ne redoute pas de casser mais d’aggraver une fêlure qu’elle aurait dans la tête.
Cette phrase m’a trotté dans la tête pendant tout un week-end, et le mardi suivant, c’est moi qui apprenais que j’avais cet adénome.
Comme l’écrit Proust, j’étais bien lectrice de moi-même, par anticipation.
A suivre.
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