Pas sitôt rentrée de Tunisie, je repars vers l’enclave familiale de Marco en Ardèche. J’ai sorti absolument tous mes pulls car l’hiver peut y être redoutable; pour nous, c’est la saison des télescopages.
Difficile également de suivre la mode pour les vêtements d’hiver si vous vivez principalement en Afrique. Portées quinze jours par an, vos chaussures ne sont pas près de s’user ni même de vous lasser. Comme je n’ai pas la fièvre acheteuse, j’ai mis dans ma valise les mêmes affaires que celles que je portais il y a 4 ans quand j’ai commencé à passer là-bas la fin d’année.
Bougeant tout le temps, j’apprécie quelques habitudes géographiques du moment que je ne m’y éternise pas. C’est reposant de se retrouver en territoires à peu près connus.
Et ici, nous pouvons marcher sans risque de tomber sur de sales bestioles comme celles qui sifflent sur nos têtes, ou sur de sales trombines comme celles de barbus shootés au coran. A l’ouest de la Tunisie, nous avions traversé sans pouvoir nous y balader de bien belles forêts montagneuses ; en Ardèche, le seul danger vient des chasseurs – ils pourraient nous prendre pour des lapins – mais au moins, depuis qu’on les oblige à porter des chasubles orange fluo, ils ne s’entretuent plus.
Hier, l’Afrique a surgi dans notre gite de fonds de vallée ardéchoise, Marco « skypant » longuement en anglais avec un collègue espagnol au sujet de la Corne de l’Afrique. Néanmoins, les questions évoquées, fort distantes bien que rendues terriblement concrètes par cette conversation dans notre cuisine, étaient bien loin de notre interrogation de l’heure à venir : la voiture réussira-t-elle à grimper le raidillon verglacé qui permet de sortir du terrain ?
Si ce problème météorologique est anodin, celui qui ravage la vallée de l’Eyrieux depuis deux ans est autrement plus sérieux. A l’automne, des épisodes cévenoles* (des orages très violents et fortement localisés, s’accompagnent de pluies diluviennes) se passent ici et non plus comme il était de coutume, dans les Cévennes, plus au Sud. La ligne de front, puisqu’il s’agit de fronts chauds et froids, s’est décalée vers le Nord, conséquence probable du réchauffement climatique. Les dégâts sont, chaque année, considérables. Je reste pantoise du peu de réactions concrètes que ce déréglement météorologique suscite malgré des évidences qui affectent les populations ici et là-bas. J’admets avoir beau jeu de critiquer la faible motivation des personnes et des politiques ; en terme d' »impact carbone » mes petits gestes quotidiens « sauvons-la-planète » ne contre-balancent pas mes tribulations aériennes.
Télescopage horticole : un palmier s’encadre dans notre fenêtre ardéchoise. Ce n’est pas si insolite, la soixantaine de variétés de palmiers en comprend certaines résistantes au froid, mais vu le caractère bien local du gîte où nous sommes, avec ses reproductions de cartes postales anciennes, sa toile cirée alternant gerbe de fleurs et de blés, je m’interroge sur les motivations du propriétaire à planter cette espèce pas vraiment endémique.
En rôdant près du palmier, j’ai découvert au sol de drôles de fruits verts, d’apparence exotique, qui m’étaient complètement inconnus. Il m’a fallu un peu de recherches pour en trouver le nom; mes sources ardéchoises ayant pour une fois séché à ce sujet. Il s’agit bien d’un fruit exotique, originaire du Mississippi. On nomme l’arbre « oranger des Osages » du nom de la tribu indienne qui l’utilisait comme bois d’arc et comme teinture. Sa présence sur ce terrain est toutefois moins insolite que son voisin le palmier puisque « cette espèce fut introduite en France en 1812 pour son feuillage proche de celui du mûrier et dont on pensait faire la nourriture des vers à soie ».
La vallée de l’Eyrieux est réputée pour sa production de soie qui fournissait les filatures lyonnaises, ainsi que pour ses pêches qui alimentaient les tables de Louis le Quatorzième à Versailles.
En dépit du froid, je n’ai pas encore réalisé que j’avais quitté la Tunisie.
*Les épisodes cévenols se forment lorsque le vent chaud et humide en provenance de la Méditerranée se dirige vers le nord. Au moment où il butte contre le massif montagneux des Cévennes, il rencontre l’air froid présent en altitude. Ces conditions sont souvent réunies en automne. Se forment alors classiquement des nuages chargés de pluie. Mais dans ce cas, les nuages sont bloqués par la montagne et se reforment perpétuellement. Si bien que les orages peuvent durer plusieurs heures, provoquant des dégâts importants. (Extrait de futura-sciences.com)
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