« Shakespeare » #1. La fièvre du départ et la révision des noeuds
Quatre femmes et un homme sur le voilier « Shakespeare ». « Mer intérieure » est le journal de huit mois de mer, de la Réunion jusqu’aux îles indonésiennes et retour. A bord, Christine, dentiste et propriétaire du bateau. Sophie, médecin et plongeuse. Aline, chercheuse en biologie moléculaire et vidéaste. Sophie, journaliste et photographe. Pascal, ingénieur en hydro-géologie.
Objectif 1er mai. Nous larguerons les amarres, au sens propre de la Réunion vers l’île Maurice (afin de finir l’avitaillement, en résumé finir les courses). Puis direction l’archipel des Chagos où nous passerons un mois. Cap ensuite vers l’atoll le plus au sud des Maldives, Addu, histoire de refaire les pleins. Et enfin l’Indonésie où, d’îles en îles au large de Sumatra, sur la côte ouest, nous passerons deux mois avant de rentrer. Un premier arrêt encore incertain sur Coco island territoire australien, puis navigation non stop jusqu’à l’île Rodrigues.
Suivant la date et la météo, un petit crochet vers Madagascar et la maison.
Pour l’heure nous sommes à quai. Le travail ne manque pas, du plus gros (dessalinisateur afin d’avoir de l’eau douce en quantité au robinet, radar, révision moteur, pilote automatique…) au plus infime détail (caissons ou pas sous les planchers, des filets supplémentaires dans le carré afin de ranger le maximum de choses, couchette surélevée pour ne pas toucher les cosses de batteries…). Les détails influent sur le quotidien, l’ambiance. Des amis de la marine marchande me l’ont toujours dit « un marin ira au bout du monde, mais il doit toujours avoir le ventre plein« . C’est un vrai casse tête. Nous devons tenir deux mois sans ravitaillement frais. Ça ne s’improvise pas.
Puis il y a enfin cette sortie, tous ensemble, la première. Histoire de voir où en est chacun. Entre les cadors pour qui « trinquette, étai largable, tourmentin et spinlock« , sont des évidences de langage et ceux qui en sont à réviser noeuds de chaise, de cabestan ou demi-clé, une communication claire va devoir s’installer. J’ai bien compris que les qualificatifs « le machin vert, le truc au pied du mât ou le biniou qui bloque le bastringue » est fortement déconseillé à bord. Il faut être clair et efficace, chacun à son poste. Nous n’en sommes qu’aux réglages, à l’installation de la grand voile, des tauds destinés à nous protéger d’une chaleur excessive dans les cabines, à changer des taquets, des drisses, des écoutes, des ampoules.
La pression monte, plus que deux semaines, et le temps court si vite. C’est l’heure de l’inquiétude aussi, on se connaît plus ou moins bien, mais sur la terre ferme. Nous ne savons que peu de choses de cette promiscuité qui va s’installer très vite. Nous envisageons le meilleur, mais nous sommes prêts au pire, à la mésentente irréconciliable qui sonnerait un retour anticipé. Mais personne ne veut y croire. Nous partons pour du bonheur, du plaisir, intense. Nous partons pour apprendre, sur nous, les autres. Tous les autres.
L’aventure a commencé.
Toute l’aventure de Mer intérieure
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