« Le dos rouge », une tâche étrange 🎬

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Aimer et défendre le cinéma d’auteur, c’est parfois en pointer les limites. « Le dos rouge » est limite.

Le dos rouge – Antoine BARRAUD (France) – 2h07

Bertrand, cinéaste de la marge s’interroge. Son prochain film est en effet une interrogation sur un thème pas facile: la monstruosité. Pourquoi? pourquoi pas, le cinéma a beaucoup fréquenté et mis en scène les monstres. Bertrand resserre son sujet: la monstruosité dans la peinture. Bosch, Bruegel, Bacon? Pas forcément, c’est plus ouvert, il voudrait que ce soit moins évident, il se fait aider par Célia Bhy, une historienne de l’art étrange, fantasque, provocatrice, elle-même éventuelle monstrueuse (a)mante religieuse. « Un peu spéciale« , confie Bertrand à sa productrice. Bertrand aime sa femme, Barbara, comédienne de théâtre très extravertie, il est pourtant troublé par Célia. Et puis, il y a cette mystérieuse tâche rouge qui s’agrandit sur la peau de son dos, inquiétude, pourquoi cette tâche prétexte? Une séquence finale en donnera une explication un peu fastoche, fast-toc.
Pas sûr qu’il y ait un film. Plutôt un étrange puzzle qui séduit parfois, mais inassemblé. L’idée de départ s’estompe vite dans ce qui ressemblerait à un film à sketches qu’on peut aimer un peu, beaucoup, pas du tout. Ça part dans tous les sens, y compris dans le style qui varie du réalisme à une approche (approximative) du fantastique.

 

Les pièces du puzzle seraient la force de suggestion de la peinture, les doutes et affres de la création (bateau), la fascination pour les femmes (dans une expression plutôt convenue), et le microcosme des gens de la scène, on est pas certain que le peu connu Antoine Barraud se rende compte qu’il en dresse un portrait ridicule. Ce qui est sûr c’est qu’il aime le cinéma et les acteurs, il sait les diriger: Bonnello (Bertrand de son prénom et vrai cinéaste de son état), ici petit timide lunaire et tourmenté, Balibar, elle solaire, que Barraud emmène au-delà de son système d’ambiguïtés habituelles, Pascal Greggory qu’il sait rendre très antipathique, Nicolas Maury qu’il modèle en jeune journaliste inquiet, filandreux et obséquieux, Nathalie Boutefeu, comme on l’aime, Valérie Dréville, la tragédienne mais pas ici, il y a aussi l’indispensable Géraldine Pailhas qui remplace Balibar au pied-levé. Car le tournage s’est déroulé sur 3 ans, il a fallu s’adapter, ça se voit dans de problématiques raccords et dans cet inexplicable remplacement de comédienne. Sans doute les exigences et le handicap de la petite économie d’un film ré-écrit au fur à mesure sur des coins de table qui en fait une œuvre à humeurs variables.

 

Il y’a aussi du bon dans ce bricolage, quand il n’est pas que bricolage. Et un moment de grâce: Isild Le Besco, enfin femme, débarrassée de ses tics de post-ado, dans une fascinante séquence de call-girl inquiète mais résignée. Mais c’est Bonello qui l’a tournée, extraite d’un de ses films fantômes qu’il n’a jamais réalisés. Géniale, elle fait de l’ombre à un film, lui, incertain.

tous les Ciné, cinoche

 

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