De jour, de nuit, bonjour, bon après-midi, bonsoir. C’est notre quotidien et il devient lassant. Nous travaillons notre anglais. Aux Seychelles 3 langues sont pratiquées, français, anglais et créole. Les navigateurs, eux, sont dans leur grande majorité anglophones, donc nous parlons la langue de Shakespeare, normal. Tout cela est bien sympathique mais maintenant la priorité, c’est l’air du large.
Ce voyage, vous l’avez noté, est celui des temps, des contre-temps et des imprévus. Nous partions pour l’Indonésie, notre sillage s’est découpé plus au sud. Qu’importe, c’est l’aventure qui compte, cette vie que l’on avait pensée autarcique sillonnant les mers. Cette aventure est quelque peu collée depuis trois semaines aux Seychelles. Un lieu que nos amis, qui ne manquent pas de nous donner des nouvelles, trouvent pour le moins paradisiaque. Difficile de leur donner tort, et pourtant… A tourner en rond une fois le carénage fait, à la recherche de petites pièces diverses et variées, en ce qui me concerne, l’attente d’une batterie solaire pour mon drone, achetée mais en attente de livraison et coincée à Dubaï depuis plus de deux semaines par un clown de transporteur, à réfléchir à notre future destination en fonction de nos envies, de la faisabilité de celles-ci et des choix des autres navigateurs, l’excitation des premières semaines connaît un vrai bémol.
Et la fatigue monte, elle ne devrait pas être physique, après la Digue, où nous n’avons passé qu’une journée pleine et deux nuits, nous n’avons ni plongé, ni nagé. Elle est donc morale. Nous savions que nous aurions le traditionnel coup de mou, on ne peut pas être perché tous les jours non plus, en tout cas pas naturellement. Mais jusqu’à maintenant, nous l’avions à tour de rôle ce qui permet de se soutenir les uns les autres. Là, il touche l’équipe, Aline s’active au montage d’une vidéo que vous aurez bientôt en ligne, je dois travailler la voix off, mais nous mettons un temps infini à faire les choses. On ne peut pas dire que des doutes sont en train de s’insinuer en nous, mais nous ne sommes pas des vacanciers classiques qui font joujou sur leur bateau trois semaines aux Seychelles. Nous voulons et attendons autre chose de la mer et de nous mêmes. De la terre oui, mais pas plus qu’il n’en faut.
Notre envie là maintenant est de repartir et nous sentons la frustration monter, les fourmis dans les jambes mais cette fois juste parce que le déséquilibre nous manque, les sensations d’un vent trop fort, l’inquiétude qui lui est liée, la houle de nuit. Même les grains nous semblent plus attrayants que la énième expédition à terre, au Yacht club, tels des marins en souffrance. Shakespeare est en forme, ses soucis divers et variés en phase de résolution, les coups de mains des uns et des autres se succèdent. Shakespeare est prêt, nous aussi.
Heureusement, le départ est prévu pour mercredi, nous faisons aujourd’hui les formalités: douane, police, immigration, santé. Et dès lors, plus rien ne s’oppose à ce que nous taquinions de nouveau notre océan. A priori, vu le dernier bulletin météo, c’est lui qui va nous taquiner, le vent est fort mais pourrait être régulier, idéal pour une navigation rapide et confortable.
Destination arrêtée: les Comores. Nous avions envie de Zanzibar et Pemba, trop compliqué vu l’orientation des vents. Nous avions pensé Mayotte afin de nous baigner dans le lagon, avec les baleines, mais la destination ne nous tente pas outre mesure.
Nous partirons donc en convoi, les bateaux le composant étant juste avant ou juste après nous avec la décision d’entrer aux Comores par Anjouan. L’archipel, composé de trois îles, la Grande Comores, Anjouan et Mohéli, n’est pas une destination touristique classique, on ne compte pas plus de trois mille visiteurs chaque année, c’est pourtant un lieu magique, plus encore en cette saison qui est celle du passage des baleines à bosses.
Les fonds promettent d’être splendides. Mais surtout pour nous ce qui compte vraiment c’est de remettre ce vent tant aimé dans les voiles et de l’air dans nos têtes.
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