Photographe attelé à la construction d’un « Laboratoire de Lumière »… Une manière de nommer l’atelier que je fabrique… Pas de chance pour lui, par chance pour moi…

Pas de chance pour lui, par chance pour moi… Je viens de l’entendre ce premier coup de tonnerre. Ce bruit sourd qui annonce des éclats de lumière dans le ciel. Je dînais avec l’équipe d’animation du camp de vacances que j’accompagne pour quelques jours. Très rapidement, d’autres grondements lointains confirment notre attente. Nous regardons autour de nous sans rien voir. Ça commence…! Nous nous  levons, nous nous précipitons hors du  campement pour grimper sur les roches roses et rondes qui se dressent autour de notre lieu de vie temporaire. Les deux garçons prennent d’assaut le rocher de droite qui nous bouche la vue, je pars sur les rochers situés sur la gauche et moins abrupts avec la jeune femme; la pente est plus douce… Je découvre en montant sur le rocher un petit terrain rempli de petits bungalows de bois. Ce n’est que le début… Je ne pensais pas que nous verrions quelque chose. J’ai le temps de retourner dans ma tente, malgré mon pied gauche un peu à la traîne, pour prendre un appareil photo. Je remonte prudemment sur le rocher mal éclairé avec l’envie de faire une image. Le temps de quelques réglages, je fais une première image. J’aperçois une ombre à travers le voile translucide de la porte du bungalow. Je sais qu’il est là. Je vois son ombre.

 

Il s’approche de la porte; lui aussi a entendu, lui aussi c’est sûr… J’espère qu’il va le faire, qu’il sera aussi curieux que moi. Par chance pour moi… L’homme sort pour regarder la nuit, je peux refaire une autre image, pas de chance pour lui… L’homme est situé légèrement plus bas que nous pour observer les lumières dans le ciel. Il tente de trouver un angle au travers des branches qui lui masquent “la fête du ciel ».

 

Il sort doucement. J’aimerais qu’il s’immobilise un peu pour être dans la lumière. Je sais que je n’ai que quelques minutes devant moi pour faire mes images, la lumière est faible, j’ai un temps de pose d’environ une seconde; c’est long sans trépied. Je dois m’asseoir sur le rocher et bien caler le boîtier pour éviter de bouger; je fais au mieux. Je bloque ma respiration à chaque pose. L’homme est toujours là à bouger sur la terrasse en bois, je continue méthodiquement à faire des images, Les secondes me semblent longues. J’espère qu’il ne va pas rentrer tout de suite, qu’il ne va pas claquer la porte à la fête du ciel, il faut qu’il s’arrête de bouger… que le feu d’artifice se poursuive… que ça explose au bon moment… que je trouve le temps de cadrer et de me caler pour une seconde; une seconde encore sans bouger et sans respirer.

 

Il s’arrête enfin de bouger. Il n’en verra pas assez… Il rentre… le ciel s’illumine de rouge…

 

 “On n’est pas là pour se faire engueuler, on est là pour voir le défilé… » Boris Vian
LLL. Semaine 15
 
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