Entièrement paré de verre, le bâtiment de lumière… composé de quadrilatères, de triangles et de losanges de béton.

Sorti de terre depuis peu, je le découvre près d’une station de RER. Du chantier se dégage une odeur de ciment mouillé et de boue qui se mélange à des relents d’huile de moteur provenant d’engins de construction, encore tièdes du travail du matin. Effluves synonymes de grands travaux. Il semble faire chaud lorsque le soleil fracasse ses rayons sur les centaines de vitres rectangulaires qui composent cet ensemble. La température ambiante ne dépasse pourtant pas les dix degrés en ce début décembre alors que je réalise ces premières images. La lumière est aveuglante. Je m’y rends à l’heure du déjeuner, au moment où les différents corps de métiers -maçons, électriciens, plombiers, terrassiers- quittent leur poste de travail. Au moment où la lumière me convient. Autour et à l’intérieur de cette arène de verre, il règne un silence oppressant parfois brisé par le bruit d’un train de banlieue. Entièrement amarré dans le béton et dans le fer, il est fier. Revêtu de miroirs, il se mire, s’admire. La quantité de lumière qui se réfléchit sur l’ensemble de l’édifice affole les instruments de mesure de l’appareil photo.

 

La cellule qui mesure la quantité de lumière entrant dans l’appareil photo indique, quelque soit le réglage du boîtier, une surexposition. Après avoir modifié la sensibilité du film à la baisse, je réalise différents essais en laboratoire; je change par exemple la température préconisée des mélanges chimiques utilisés pour le développement des films argentiques n&b. La solution trouvée, je retourne régulièrement à l’heure du déjeuner affronter ce colosse de verre.

 

Je n’y croise que peu de monde, un ouvrier en retard pour sa pause, de rares passants. Ce sont des instants de silence. Le ciel se reflète sur les parois de verre, comme il le fait parfois sur les lacs. Des câbles de métal pendent encore comme des cheveux de fer, de gigantesques ouïes lui permettent de respirer.

 

 

Les jours de vent, ce sont des tempêtes qui se réfléchissent sur les flancs du bâtiment. Les rares fenêtres ressemblent à des écoutilles de paquebots entrebâillées par peur de la solitude. Le silence intérieur de ce navire réclame la rumeur de la ville par ses hublots. Si quelqu’un ouvrait une fenêtre pour tenter échapper à la solitude de l’une de ses cabines, il ne verrait que son reflet sur le miroir d’en face.

LLL. Semaine 27

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