Les travaux de printemps ayant bien avancĂ© sur leur petit bout de caillou, Robin se prend de passion pour la machette et dĂ©cide de dĂ©fricher un coin de l’Ăźle laissĂ© sauvage pour y installer sa derniĂšre construction.
On m’avait prĂ©venu. Chaque annĂ©e, si la belle saison est ici synonyme d’Ă©merveillement, elle est aussi synonyme de longues journĂ©es passĂ©es dehors Ă prĂ©parer les jardins, les chemins et Ă mettre en ordre l’ensemble de la partie «civilisĂ©e» de l’Ăźle. Chaque travail a son importance et chaque arbre, chaque arbuste, chaque buisson, chaque parterre de fleurs, chaque allĂ©e et chaque outil utilisĂ© mĂ©ritent une attention particuliĂšre.
Le temps passĂ© a Ă©claircir les chemins, Ă tailler, Ă tronçonner ou Ă tondre est ainsi un temps extrĂȘmement prĂ©cieux puisque c’est aussi un temps d’observation. A chaque coup de masse portĂ© sur un piquet, ou presque, j’observe l’alignement de ma barriĂšre, les plantes qui poussent autour, les arbres morts pendant l’hiver, ceux qui se font fouetter par les vents, ceux qui survivent malgrĂ© tout, ceux qui survivent mais plus pour trĂšs longtemps et ceux qui survivront encore longtemps, jusqu’au coup de vent de trop⊠Chemin faisant, j’apprends donc Ă connaĂźtre sĂ©rieusement cette Ăźle, ses recoins, ses passages secrets et ses zones en friche.
Zone à défendre
J’avais repĂ©rĂ© cet hiver un petit coin envahi depuis longtemps par les ronces et les fougĂšres. SituĂ© sur une des nombreuses pointes de l’Ăźle, cet endroit s’Ă©tait fait une place quelque part dans ma tĂȘte et je n’avais cessĂ© d’y penser depuis. AprĂšs avoir Ă©clairci les chemins qui longent cette pointe sauvage et aprĂšs avoir dĂ©moli une barriĂšre construite lĂ bien avant ma naissance, j’ai donc dĂ©cidĂ© de partir sur le continent pour m’acheter une machette et enfin m’atteler Ă son dĂ©frichage.
Une fois revenu sur mon Ăźle, ma machette coincĂ©e dans son holster, lui mĂȘme accrochĂ© Ă ma ceinture, me voilĂ donc au milieu des ronces Ă enchainer les coups droits et les revers. En une heure Ă peine, l’affaire est pliĂ©e et le coin dĂ©frichĂ©. Une vue magnifique s’offre dĂ©sormais Ă moi depuis cette pointe sauvage miraculeusement abritĂ©e du vent et survolĂ©e toute la journĂ©e par un nombre incalculable d’oiseaux.
L’appel de la tronçonneuse
L’histoire aurait pu s’arrĂȘter lĂ . J’aurais pu me contenter du point de vue que m’offrait cette pointe, du charme incontestable de cette merveille jusqu’alors abandonnĂ©e aux ronces. Mais j’en ai dĂ©cidĂ© autrement. Un immense pin Ă©tait tombĂ© non loin de lĂ lors d’une tempĂȘte, il y a sĂ»rement quelques annĂ©es et, passant devant sur la route du retour, je me suis soudain dit que je tenterai, un jour, d’en faire un banc pour meubler mon nouveau spot.
AccompagnĂ© par un ami enthousiaste Ă l’idĂ©e de faire chauffer les machines, je dĂ©cide de ne pas attendre et dĂ©cide de prĂ©parer les plus grosses tronçonneuses dont nous disposons ici pour m’attaquer Ă ce tronc d’arbre. En quelques minutes Ă nouveau, l’affaire est pliĂ©e et le tronc tranchĂ©. Il me faut maintenant rĂ©flĂ©chir Ă une maniĂšre d’en faire un banc.
Mon tronçon est Ă©norme. Le bois a bien commencĂ© Ă pourrir sur quelques centimĂštres en dessous de l’Ă©corce mais celle-ci le protĂšge suffisamment et le tronc est, dans l’ensemble, en bon Ă©tat. Un peu trop mĂȘme. Au moment de le bouger pour commencer Ă y planter ma tronçonneuse et voir si je peux l’attaquer directement avec ma machine, je rĂ©alise qu’il est beaucoup trop grand et trop lourd pour moi. A deux il nous est quasiment impossible de le bouger. AllongĂ©s sur le dos, nous poussons de toutes nos forces sur nos jambes pour le faire rouler sur quelques centimĂštres Ă peine. Peu importe, je dĂ©cide de continuer. Si je parviens Ă planter ma tronçonneuse en deux temps de matiĂšre Ă former un angle obtus d’Ă peu prĂšs 135°, cela sera suffisant pour faire de ce tronc un magnifique banc Ă l’assise confortable. AprĂšs de longues heures Ă dĂ©couper, Ă frapper et Ă hacher de maniĂšre Ă dessiner mon angle, je parviens enfin Ă enlever une petite partie du bois, suffisamment grande nĂ©anmoins pour que je m’assois et rĂ©alise que ce n’est pas si mal.
Mon tronçon est Ă©norme. Le bois a bien commencĂ© Ă pourrir sur quelques centimĂštres en dessous de l’Ă©corce mais celle-ci le protĂšge suffisamment et le tronc est, dans l’ensemble, en bon Ă©tat. Un peu trop mĂȘme. Au moment de le bouger pour commencer Ă y planter ma tronçonneuse et voir si je peux l’attaquer directement avec ma machine, je rĂ©alise qu’il est beaucoup trop grand et trop lourd pour moi. A deux il nous est quasiment impossible de le bouger. AllongĂ©s sur le dos, nous poussons de toutes nos forces sur nos jambes pour le faire rouler sur quelques centimĂštres Ă peine. Peu importe, je dĂ©cide de continuer. Si je parviens Ă planter ma tronçonneuse en deux temps de matiĂšre Ă former un angle obtus d’Ă peu prĂšs 135°, cela sera suffisant pour faire de ce tronc un magnifique banc Ă l’assise confortable. AprĂšs de longues heures Ă dĂ©couper, Ă frapper et Ă hacher de maniĂšre Ă dessiner mon angle, je parviens enfin Ă enlever une petite partie du bois, suffisamment grande nĂ©anmoins pour que je m’assois et rĂ©alise que ce n’est pas si mal.
Une affaire bancale
Le lendemain, toujours assistĂ© de mon ami, je rĂ©pĂšte indĂ©finiment les mĂȘmes opĂ©rations que la veille. Attaquer le tronc avec le bout de la chaine de la tronçonneuse est un exercice pĂ©rilleux et plusieurs fois je suis rappelĂ© Ă l’ordre par la puissance de la machine. Les Ă -coups sont puissants mais je gĂšre. Jusqu’au moment oĂč la chaine, faute de tension suffisante, sort pour la premiĂšre fois du guide pour s’emmĂȘler Ă mes pieds. Une heure au moins sera nĂ©cessaire pour la dĂ©mĂȘler et la remonter. C’est le dĂ©but de la galĂšre. Forçant bien trop sur l’extrĂ©mitĂ© du guide pour attaquer le tronc avec la pointe de ma tronçonneuse, la chaine force, se dĂ©tend et finit inexorablement par sortir du guide. Je n’ai pourtant pas d’autre solution sous la main. Je continue, recommence, dĂ©sespĂšre, me dis que je fais une bĂȘtise, hĂ©site Ă abandonner, m’arrĂȘte quelques minutes puis reprend, continue et recommence jusqu’Ă en venir Ă bout. Le soir venu, je ne sens plus mes bras, j’ai maudit ce tronc d’arbre autant que je le pouvais, mais le banc est enfin fini. Le travail est amateur mais l’assise plutĂŽt confortable. Il sera beau ce banc, une fois installĂ© sur mon coin fraĂźchement dĂ©frichĂ©.
Le travail rend fou. Ce banc en est la preuve. AprĂšs deux jours de boulot, j’avais en effet totalement oubliĂ© qu’il Ă©tait impossible de le porter. Trop lourd pour le porter, trop long pour le faire rouler en travers du chemin, trop grand pour essayer de le mettre dans la remorque de mon tracteur. Trop massif. Ce banc est dĂ©finitivement beaucoup trop massif. AgacĂ© par ma propre naĂŻvetĂ©, je rallume ma tronçonneuse et dĂ©cide de le couper en deux. Deux fois moins lourd, cela devrait le faire. Mon ami reparti, je mobilise ZoĂ© sur le chantier et nous dĂ©cidons d’essayer de le faire rouler. C’est lourd, trĂšs lourd. Mais ça avance. En une heure, nous avons peut-ĂȘtre fait trente mĂštres, plus qu’une centaine de mĂštres et nous y sommesâŠ
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