Gardiens dâun petit bout de terre bretonne boisĂ©e et entourĂ©e de mer. #02

AprĂšs ZoĂ©, cette semaine câest Ă moi, Robin, de revenir sur les conditions dâun dĂ©part pas comme les autres. Un dĂ©part de Paris vers une vie entiĂšrement nouvelle, sur une Ăźle quasiment inconnue. Point de bascule vers un nouveau rapport au temps, aux gestes, au couple et au quotidien.
Tandis que le dĂ©part approche et que, dans ma tĂȘte, tout se bouscule, je repense Ă ces mots Ă©crits par ZoĂ© Ă propos de lâaventure qui nous attend: « un rĂȘve qui devient rĂ©alitĂ© ». Pourtant, aussi folle soit-elle, lâaventure que lâon sâapprĂȘte Ă vivre -et Ă narrer ici- nâa pour moi rien dâun rĂȘve qui sâaccomplit. Jamais, en effet, je nâaurais pu rĂȘver dâune chose pareille.
Un point de départ: Paris
ZoĂ© et moi avons passĂ© peu de temps Ă Paris. Deux ans, peut-ĂȘtre trois. Assez de temps en tout cas pour mettre un pied dans des milieux qui pouvaient faire rĂȘver les jeunes gens que nous Ă©tions, lassĂ©s par des Ă©tudes trop longues, des boulots alimentaires et des sujets de recherche trop alambiquĂ©s. Quelques mois aprĂšs notre arrivĂ©e dans la capitale, nous Ă©tions lancĂ©s. A ZoĂ© les lettres, Ă moi les expos, les beaux-livres et les mĂ©dias. Assez vite pourtant, les rĂȘves furent teintĂ©s dâamertume. Aussi attirants quâils soient, les jobs qui touchent de prĂšs ou de loin aux arts et Ă la littĂ©rature restent des jobs et, trĂšs vite, deviennent Ă nos yeux enfermants. Contrairement Ă ZoĂ© â et en bonne partie malgrĂ© moi â jâai alors rapidement fait le choix dâĂ©viter le salariat. Le temps me paraissant ĂȘtre la richesse la plus Ă©lĂ©mentaire, jâavais en effet dĂ©cidĂ© de le prendre, histoire de voir oĂč toutes ces riches rencontres avec artistes et journalistes qui sâenchaĂźnaient entre les pĂ©riodes de vide, de disette et de travail solitaire pourraient me mener. Et, assez vite, jâai vu. Tout est possible Ă Paris. MĂȘme dâoublier ce pour quoi on y est venu.
Câest alors que le rĂȘve dâailleurs sâest remis Ă vibrer. Que lâhorizon a cessĂ© de se laisser dessiner par ce ciel trop bas, ces jeux de circonstance trop hasardeux et cette idĂ©e quâĂ quelques zĂ©ros prĂšs, « on a ici tout ce quâil faut pour ĂȘtre heureux ». Que Paris, ou du moins lâidĂ©e que je mâen faisais, a cessĂ© dâĂȘtre une fin en soi pour laisser peu Ă peu la place Ă un ailleurs, profondĂ©ment indĂ©terminĂ© mais Ă©minemment plus chaleureux que la perspective dâune ligne 13 bondĂ©e ou quâune Ă©niĂšme dead-line Ă respecter. Mais, lorsquâon commence à « devenir quelquâun » alors quâon a toujours vĂ©cu dans le flottement et lâindĂ©termination, quoi de plus fou que de renier ce statut nouveau pour se jeter dans le vide? Seule une occasion en or justifierait une telle folie⊠Une occasion qui dĂ©passerait lâimaginaire et nous transporterait, ZoĂ© et moi, au-delĂ de nâimporte quel rĂȘve.

Au-delĂ du rĂȘve
Par le plus grand des hasards, câest prĂ©cisĂ©ment ce qui nous est arrivĂ©. Alors que nous Ă©tions bloquĂ©s Ă Paris par un projet professionnel qui ne nous procurait ni joie ni fortune et que nous dissertions vaguement sur le sens de ce que nous entreprenions, ZoĂ© et moi avons Ă©tĂ© catapultĂ©s, en un coup de fil, vers une contrĂ©e dont jâignorais mĂȘme lâexistence. Une contrĂ©e oĂč lâon nous proposait dâemplir notre quotidien dâactions, de tĂąches, de missions, dont chacune aurait un sens profond, que ce soit pour nous ou pour notre environnement proche, sur un petit bout de terre boisĂ©e et entourĂ©e de mer, au large des cĂŽtes bretonnes. Devenir gardien dâune Ăźle, quelle folie⊠Il sâest pourtant fallu moins dâune minute pour que ZoĂ© et moi nous regardions droit dans les yeux, le sourire aux lĂšvres, persuadĂ©s que câĂ©tait ça, cette chose qui nâĂ©tait mĂȘme pas pensable quelques minutes auparavant, dont nous avions intimement envie et besoin, et que nous allions dĂ©sormais tout faire pour y parvenir. En quelques mois, les plus longs de nos vies peut-ĂȘtre, câĂ©tait chose faite. TrĂšs vite, pourtant, aux cĂŽtĂ©s des joies et des kilomĂštres de perspectives rĂ©jouissantes, les apprĂ©hensions ont commencĂ© Ă sâaccumuler. Les peurs aussi. Mais, quitte Ă aller au-delĂ du rĂȘve, autant pousser un peu jusquâau delĂ de nos projections et de nos peurs. Pour voir, juste pour voirâŠ

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