La femme du ferrailleur – Danis TANOVIC (Bosnie) 1h15
Un quart-monde moyenâgeux, en Europe, en Bosnie, à deux heures d’avion de Paris. Une famille de très peu qui survit dans le courage et la résignation. La mère soudain confrontée à une urgence médicale financièrement ingérable dans une société qui ignore ses pauvres. Film-choc, film-témoignage, mais tout en économie, pudique mais révoltant.
Nazif est un brave homme, discret, travailleur. Dans un arrière-pays bosniaque oublié, il bricole dans la ferraille qu’il revend à un chantier, à peine de quoi subvenir aux besoins de sa petite famille, une femme, Senada, et deux fillettes qui s’accommodent de leur dénuement chronique en chahutant devant une télé mal réglée allumée non-stop. Chez Nazif, on a la misère résignée mais plutôt gaie. L’hiver est glacial, il neige, il faut couper du bois pour la cuisinière, seule source de chaleur pour ce qui ressemble à un taudis bien tenu. Senada, femme de tête et mère-courage est prise de violents maux de ventre. Elle est enceinte, l’hôpital diagnostique une fausse-couche, mais refuse de pratiquer un indispensable curetage: Senada n’est pas assurée, sa vie est en danger, elle est pourtant cyniquement renvoyée chez elle. Où trouver la somme phénoménale réclamée par un médecin avide? Nazif redouble d’ardeur, ratisse une décharge à la recherche de ferraille, il désosse sa pauvre bagnole pour en monnayer le métal. Ça ne suffit pas, il faudra trouver d’autres combines pour surmonter l’épreuve. Avant une probable prochaine galère. La famille est à nouveau au chaud, la chaleur de la cuisinière et de l’amour simple qui l’unit. Les gamines ont assisté à tout ça sans broncher, sans étonnement, avec la candeur d’enfants qui ne savent pas qu’ils n’ont pas d’avenir.
On ne peut faire plus vrai, c’est vrai, Tanovic avait été révolté par ce vrai fait divers social, il a voulu en faire un film et il a demandé à ses protagonistes de rejouer leur histoire vraie. « Si les aspects techniques du cinéma peuvent s’apprendre, tout le reste vient d’un instinct qu’on a… ou qu’on n’a pas. » Résultat étonnant: pas de pathos surajouté, encore moins de cabotinage face à une caméra qui veut témoigner, sans effets. On est bouleversé, le cinéaste nous passe sa révolte. Et réussit un vrai film, coup de poing documentaire.
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