« Sans adieu », un documentaire de Christophe Agou: poignante fin d’un monde 🎬
Qui sont ces paysans d’hier? Aujourd’hui les tue. Remarquable et formidable documentaire sur une disparition en cours. Etymologiquement, formidable veut dire « qui fait peur »…
On dit le progrès… c’est un progrès matérialiste… C’est un semblant de bien-être, c’est pas le vrai bien-être.
Jean-Clément
Jean-Clément, c’est l’un de ces derniers paysans à l’ancienne qui ont trimé de père en fils sur les terres difficiles du Forez, au pied des contreforts du Massif Central. Déboussolé par un monde qu’il ne comprend plus. D’autant que ce jour-là on vient lui prendre ses vaches suspectées d’être devenues folles pour les abattre. « Un assassinat« , lâche-t-il, écœuré.
« Sans adieu« , dit-on dans la région en se quittant, pour justement espérer qu’on est sûr de se revoir. Le film ressemble pourtant bien à un adieu à une culture, une façon de travailler la terre comme avant, pour ceux-là comme toujours. Sans nostalgie sépia, c’est surtout un hommage à ces derniers résistants. On est loin des nouvelles fermes aux mille vaches, de l’immensité des champs céréaliers parcourus par des tracteurs pilotés au GPS. Ici, c’est seulement une dizaine de vaches, quelques arpents de vignes pour un vin très moyen, des poules, des moutons, des lapins qu’on appelle par leurs prénoms. Pas de machines, c’est la fourche, la faux et la sueur.
Ainsi vivent ceux que nous présente Christophe Agou. Il les connaît bien, il les a filmés et aimés pendant une quinzaine d’années. Photographe exilé à New York, il est revenu souvent se ressourcer dans ce Forez de son enfance et redécouvrir l’authenticité, désormais originalité de ces paysans d’hier qui n’ont plus leur place aujourd’hui. S’ils gagnent peu, ils payent cher, leurs fermes et leurs intérieurs sont des capharnaüms délabrés à la limite de l’insalubrité, la crasse recouvre leurs souvenirs jaunis. Il n’est pas dit que leur labeur produit du bio, juste que ces héros vintage sont tristement démodés, donc paumés.
« Sans adieu« , dit-on dans la région en se quittant, pour justement espérer qu’on est sûr de se revoir. Le film ressemble pourtant bien à un adieu à une culture, une façon de travailler la terre comme avant, pour ceux-là comme toujours. Sans nostalgie sépia, c’est surtout un hommage à ces derniers résistants. On est loin des nouvelles fermes aux mille vaches, de l’immensité des champs céréaliers parcourus par des tracteurs pilotés au GPS. Ici, c’est seulement une dizaine de vaches, quelques arpents de vignes pour un vin très moyen, des poules, des moutons, des lapins qu’on appelle par leurs prénoms. Pas de machines, c’est la fourche, la faux et la sueur.
Ainsi vivent ceux que nous présente Christophe Agou. Il les connaît bien, il les a filmés et aimés pendant une quinzaine d’années. Photographe exilé à New York, il est revenu souvent se ressourcer dans ce Forez de son enfance et redécouvrir l’authenticité, désormais originalité de ces paysans d’hier qui n’ont plus leur place aujourd’hui. S’ils gagnent peu, ils payent cher, leurs fermes et leurs intérieurs sont des capharnaüms délabrés à la limite de l’insalubrité, la crasse recouvre leurs souvenirs jaunis. Il n’est pas dit que leur labeur produit du bio, juste que ces héros vintage sont tristement démodés, donc paumés.
Claudette
Ainsi Claudette, c’est un peu la vedette du film, sa gouaille, son tempérament, son courage, son malheur aussi, crèvent l’écran. Elle a 75 ans de fatigue, malade, mais toujours un bon et grand cœur à l’ouvrage. Elle veut arrêter, vendre sa ferme mais pas à celui que l’Administration a choisi. Donc elle continue, vaille que vaille, fourbue, harcelée par les ordinateurs de la banque quand elle compte encore à la main et en francs. Elle loge ses poules dans la carcasse d’une vieille voiture, celle qui roule encore et qu’elle conduit lui sert aussi à entasser la luzerne qu’elle est partie faucher pour nourrir ses lapins. Elle hurle sur ses chiens et sur ses créanciers, elle nous fait souvent rire, sauf quand la courageuse flanche, en larmes: « J’aimerais mieux être morte que vivre ce que je vis… c’est ce qu’ils attendent. »
La chronique de la fin d’un monde rappelle forcément le regard de Raymond Depardon dans ses « Profils paysans« . Les deux réalisateurs ont en commun ce respect des gens de peu des campagnes en voie d’abandon, leur empathie empreinte de la même tendresse réaliste. Christophe Agou, disparu peu après avoir terminé le montage de son film, propose une mosaïque déjà craquelée saisissante autant que poignante. Organisée en petites séquences sans souci chronologique, très joliment mise en images, cette modeste fresque antique, humaniste autant que poétique pose, en creux, une question: pour quel nouveau monde abandons-nous l’ancien?
La chronique de la fin d’un monde rappelle forcément le regard de Raymond Depardon dans ses « Profils paysans« . Les deux réalisateurs ont en commun ce respect des gens de peu des campagnes en voie d’abandon, leur empathie empreinte de la même tendresse réaliste. Christophe Agou, disparu peu après avoir terminé le montage de son film, propose une mosaïque déjà craquelée saisissante autant que poignante. Organisée en petites séquences sans souci chronologique, très joliment mise en images, cette modeste fresque antique, humaniste autant que poétique pose, en creux, une question: pour quel nouveau monde abandons-nous l’ancien?
Sans adieu (documentaire) – Christophe AGOU (France) – 1h39
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