De Sofia à Bruxelles: le grand retour côté ouest! Sur la voix des Balkans #21
Athina a fait un long voyage pour arriver jusqu’à Bruxelles: 3 jours exactement. De Sofia en passant par Ljubljana puis Munich, elle restera le nez collé contre la vitre du bus pendant des heures et des heures. C’est quand qu’on arrive?
Ne me quitte pas…
Sofia, j’y reviens encore, et cette fois c’est la dernière. Si tu te souviens bien, j’y avais déposé une bonne partie de mes affaires dans le salon de l’hostel. Après un voyage sans embûches, j’arrive assez tôt, vers 13h, dans la petite rue toujours en travaux. Alex m’attend de pied ferme: je l’avais prévenu par messages – en russe – pour être sûre qu’il y aurait quelqu’un pour assurer l’ouverture de la porte. En règle générale, elle reste toujours fermée à clé même la journée. Il me fait un grand sourire après avoir ouvert le loquet. Me revoilà!
J’ai encore quelques heures devant moi pour préparer mon baluchon. Mais avant, la première chose: il me faut un bon plat de pâtes-tomates-oignons d’urgence! Je suis partie de Thessaloniki ce matin le ventre vide. Hop, hop, hop! je me mets en cuisine. À table! C’est toujours un plaisir de retrouver toute la famille d’Alex qui vaque à ses occupations. De mon côté, je m’active dans tous les sens: c’est le jour J du grand départ! Je défais, refais encore et encore mes bagages, j’offre des petits cadeaux à la maman d’Alex et mon Cd à Alex et je grignote un épis de maïs tout chaud avec du sel fin. Voilà, ça y est, je suis prête!
Et maintenant je fais comment pour aller à la gare? J’ai plus un seul lev sur moi.
J’ai tout dépensé dans le dernier ticket de métro. Bon, mon sac pèse 18 kilos. Sans compter la petite valise qui doit bien faire 12 kilos et la tente tipi avec mes trois paires de chaussures. Les autres – celles de randonnée de Velina – je les garde aux pieds: elle me les a offertes! Bien que je n’ai pas fait de randonnée du tout, je suis équipée comme une pro!
Je demande à Alex si il peut prêter main forte ou plutôt gros bras pour m’accompagner à la station de tram à pied. Toute seule, c’est juste compliqué voir impossible de marcher avec 30 kilos. En général, déjà avec 20 kilos, j’avance comme un escargot et j’arrive en nage. Alors là…
Alex me dit qu’il attend quelqu’un et que je peux prendre un taxi. Je lui rétorque que sa mère peut accueillir la personne attendue le temps de faire l’aller-retour ou que je peux le payer avec les euros qui me reste de la Grèce pour qu’il m’emmène à la gare. Il ne comprend pas. Ou plutôt on ne se comprend pas. Ça dure un moment si bien que je finis par stresser et les larmes coulent le long de mes joues. Je craque.
« It’s my last day in Balkans. I’m very sad and you don’t want to help me… » Alex reste derrière son ordi sans bouger en me regardant du genre « je ne peux rien faire pour toi« . Je suis dégoutée. Surtout qu’il y a trois volontaires qui travaillent pour lui. Il peut leur confier l’accueil du nouveau backpacker.
Finalement, il réalise que je suis vraiment très mal et part discuter avec sa mère. Elle demande à son tour au père pour savoir si ils peuvent emprunter la voiture. Toujours le père qui donne le dernier mot.
Il revient et me dit « ok » pour que je le paye 5 euros pour aller à la gare avec toutes mes affaires avec la voiture de famille.
Ouf! Je n’y croyais pas. Sauvée! Sur le trajet, je n’arrête pas de pleurer et Alex me demande ce qui se passe. Je n’arrive pas à expliquer et à la fin, on se dit au revoir.
Il refuse de me faire la bise par pudeur. Sa mère me fait un gros câlin, que je prends volontiers vu ma mine déconfite. J’enverrai un dernier message toujours en russe à Alex pour le remercier. Il n’a finalement pas voulu que je le paye. Ils vont me manquer tous les deux. Alex avec son côté froid et sa mère tout l’inverse.
Frontières la nuit, casse-croûte le jour et coup de stress entre les deux
Je suis bien arrivée en Slovénie, je crois que j’ai fait une quinzaine d’heures de bus.
Plus ou moins. Je ne compte plus.
Maintenant 15 ou 25 heures sur les routes, c’est finalement la même histoire. Je reste sur mon siège, je cherche des positions qui de toutes les façons sont inconfortables sur la longueur, je dors mal mais je rêve. J’écris, je mange peu, je bois beaucoup, je regarde les paysages, les gens parfois, je compose et je me rendors. Mon sommeil est en continu et en même temps, il est saccadé. Je me sens comme dans un autre monde, entre le réel qui défile et mes visions fantasmagoriques. Ah! les frontières avec à chaque fois l’obligation de descendre du bus avec son passeport pour faire la queue dans le froid… Oui, c’est vraiment pas la joie.
Faire d’une traite Sofia-Paris, n’est pas dans mes plans. J’ai prévu de faire d’abord une césure d’une journée à Ljubljana (Slovénie). Histoire de voir à quoi ça ressemble de ce côté-ci des Balkans. Puis une seconde à Bruxelles où je rends visite à une très bonne amie d’enfance.
La grande traversée mérite du temps et j’ai envie de prolonger l’aventure encore un peu. Disons que ma dernière aventure, c’est justement cette traversée. Bus après bus.
Une journée à Ljubljana et le lendemain matin, je suis censée faire le voyage jusqu’à Munich.
Je suis assise sur les marches de l’entrée de cette immeuble mi-vétuste mi-moderne. Le taxi ne se déclare toujours pas et je commence à m’impatienter.
« C’est pas vrai! Mon bus part dans 20 minutes!« , je marmonne en moi même.
Sur les conseils de deux cyclistes roumains, je pars arrêter un taxi d’urgence dans la rue en agitant les bras au-dessus de ma tête! Le chronomètre est lancé, il me reste 10 minutes. Je me fais déjà à l’idée de rater mon bus. Stress, time, stress, time.
J’arrive enfin à la gare complètement affolée. Le bus est garé, là. Prêt au départ.
Je mets mes bagages dans la soute. »C’est 1 bagage en soute et pas 3″ me dit le gars de Flixbus. « C’est 4 euros en supplément par bagage ». Merde, j’ai que 1 euro sur moi! Et y a pas de banque et y a pas le temps!
Le gars lâche pas l’affaire pour le supplément. « Oh! thank you so much ! » Un gars à la casquette posée sur une chevelure bouclée me file 3 euros pour payer le supplément. Adorable! Et l’autre bagage – ma tente – on fait comment? Ça passe avec un sourire. Ouf! Je ferai des coucous pendant tout le trajet au sauveur de la fille aux trois sacs. L’air de dire non verbalement « danke schön« .
De Munich, je ne verrais qu’une gare routière et un joli rayon de soleil qui offre des jeux d’ombres sur la chaussée.
Deux heures d’attentes avant le prochain bus. Le dernier pour aujourd’hui.
J’improvise un pique-nique sur un banc: pain, beurre de cacahuètes, miel macédonien de quoi me donner quelques doses de sucre pour tenir les prochaines heures de voyage. J’ai perdu complètement la notion du temps… Toutes ces heures, je les passe aussi à cogiter à ce retour.
Quoi faire et dans quel ordre?
J’ai devant moi une page blanche.
Rêvassant à l’après Balkans, j’observe la météo changer à travers la vitre. Je fais le bilan. Ou du moins, j’essaye. À part ce changement de couleurs dans le ciel, j’aime la lenteur qu’offre le bus – petite chose que l’on ne peut trouver dans les airs. On apprend à être là, à accepter qu’il y ait des couacs et à lâcher prise face à tout ça. Malgré tout, on va bien y arriver un jour.
Alors, patience. Les kilomètres défilent tels des perles de corail que l’on enfile à l’infini.
Tiens, on rentre dans Bruxelles! Je ne m’y attendais plus. Il pleut et il est 8h.
La ville de Brel, j’ai nommé Brussels!
Mon amie, Cynthia est au travail. Un bus de ville m’emmène directement devant chez elle depuis la gare. Chance!
Après avoir tourné, viré dans le quartier je trouve enfin l’appartement. Son colloc m’ouvre, présentation minimaliste et je me mets au lit. Vers les coups de 13h, mon estomac me fait comprendre qu’il faut que je sorte pour faire un vrai repas. Après ce voyage en longueur où je n’ai fait que picorer des miettes, il veut du consistant. Du croustillant? Des friiiiites bien sûr!
Je me dirige alors dans un quartier où la Maison Antoine – une baraque à frites belges – est installée au centre d’une place avec autour des brasseries et leurs terrasses. Je fais tout comme les gens d’ici: une frite, une sauce, une bière. Après être bien repue, je retourne à l’appartement toujours en bus. Retrouvailles endiablées avec Cynthia que je n’ai pas vue depuis des mois et des mois. Je lui conte toutes mes histoires de bus et lui fait un déballage de mes valoches accompagnée par la musique de Bajsa (Voir épisode #17). On restera un moment entre son salon, sa chambre et sa cuisine à bricoler je ne sais quoi. On est comme deux gamines qui se retrouvent après les vacances: on a trop de choses à se raconter! Je passerai une nuit blanche à écrire un de mes articles dans sa kitchenette sur un tabouret haut buvant thé sur thé pendant que toute la maison ronfle à l’unisson.
Finalement on passera deux soirées, l’une pour une projection de films d’animation et l’autre dans un bar mythique dédié à la chanson: le Goupil Le Fol. On nous avertit avant même de fouler le sol de l’entrée: « Goupil plaira à tous ceux qui aiment ce qui sort du quotidien ». Bah ça tombe bien, on est des amoureuses des « trucs pas dans les clous« ! Soirée bien arrosée, bière artisanale ambrée, ça y est je suis sortie des Balkans. Ah bon? En me baladant dans le quartier, j’aperçois une affiche pour « L’épopée gipsy« . Un spectacle qui parle d’une famille Roms du quartier de Stolipinovo à Plovdiv (voir épisode #18) ! Je repars déjà demain matin à Paris… Oui Paris, ma ville chérie!
Tu seras là pour le dernier épisode de mon feuilleton la semaine prochaine? Ce sera un papier spécial puisque c’est la fin de ce voyage, alors attends toi à tout! Du tragique au comique, ma vie Parisienne n’a jamais été comme Monsieur et Madame Tout Le Monde! Alors après presque 4 mois dans les Balkans…
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