Lockwood (1956-2018) avec un L comme Liberté
On ne pouvait imaginer quelqu’un de plus intensément vivant. Didier Lockwood s’est brutalement éteint d’un arrêt cardiaque ce week-end. Hébétée, la famille du jazz a encore ce matin du mal à y croire. On ne pouvait imaginer quelqu’un de plus intensément jeune. Il avait 62 ans et n’aura jamais levé le pied, « allegro presto amoroso », jusqu’à la double barre finale.
Partout dans la presse ce matin, vous entendrez parler de Calais, sa ville, de Magma son premier groupe, de Francis son frère, son éclaireur, et de Jazz bien sûr, de jazz et de diva. Vous entendrez aussi parler de ses incroyables et prestigieuses rencontres, de Herbie Hancock à Petrucciani. La liste est interminable et ne dit rien d’autre que l’incroyable curiosité qu’avait Lockwood pour les autres musiciens. Rien ne semblait le stimuler davantage qu’un projet avec un nouvel artiste.
Laissons alors sa biographie aux autres, et parlons ici de sa musique et de son rapport passionné, amoureux et total avec elle. Écoutons-le, par exemple avec son pote, Biréli Lagrène. C’était en 2010 au Vitoria Jazz Festival au Pays Basque.
Toujours à la recherche de nouvelle aventures, de nouveaux sons, Lockwood semblait en permanence penché vers l’avenir. Avec qui je joue ce soir ? Avec qui j’enregistre demain ? Qui pourrais-je rencontrer après-demain ?
Le public l’aimait comme on aime une rock star. Le public l’adorait comme on adore un chanteur d’amour, le public le vénérait comme on vénère un grand interprète classique. Son public était populaire et savant à la fois. Qui dit mieux ?
Lockwood n’avait aucune idée de ce qu’est la fatigue. Souvenir de ce soir où il monta sur scène avec cette joie furieuse sans que personne dans la salle ne puisse deviner qu’il avait 40 degrés de fièvre. Lockwood n’avait aucune idée, non plus de ce que, en musique, sont les frontières. Écoutons-le ici avec Guo Gan, le grand maître chinois de Erhu.
Lockwood était aimé et apprecié par Yehudi Menuhin par Lashshimaraiana Subramanyan, Maxime Vengerov et Grapelli, bien sûr.
Qu’ajouter à ces quatre noms qui sonnent comme les quatre directions d’une boussole ?
Didier Lockwood par la force de sa générosité et par l’énergie de sa pulsation pouvait avec fierté parcourir un grand nombre de styles sans jamais tomber dans les singeries de la world music.
Didier Lockwood était un combattant, un « fighter », comme il aimait à le dire.
Didier Lockwood était un artiste pour qui la transmission au public comptait plus que tout.
Il était surtout un amoureux incandescent, à l’innocence fraîche, devant laquelle il était impossible de faire la fine bouche.
Qu’il soit éternellement remercié pour la joie qu’il nous a apportée et continuera de nous apporter.
Il va nous manquer.
Beaucoup.
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