« Les gens dans l’enveloppe », dernier ouvrage d’Isabelle Monnin, ne ressemble à aucun autre. Mêlant fiction, enquête, album photo et journal de bord, il est la preuve éclatante que toute vie vaut d’être racontée.

« En juin 2012, j’achète sur Internet un lot de 250 photographies provenant toute d’une même famille. De cette famille, je ne sais rien. Les photos m’arrivent dans une grosse enveloppe blanche quelques jours plus tard« . Ainsi commence l’une des plus singulière aventure littéraire. Isabelle Monnin est journaliste et romancière. Elle sait enquêter et inventer des histoires. Très vite l’idée s’impose. Comme chacun sait que « les idées sont comme les enfants dès les toutes premières années de leur existence: impossible d’envisager la vie sans elles« . Dont acte. A partir de ces photos, Isabelle Monnin va écrire un roman puis faire une enquête. La fiction d’abord, la réalité ensuite. Cela ressemble à un jeu dont l’enjeu est de taille. Quelque chose de crucial va se jouer au milieu de ses pages et de ces visages tour à tour ordinaires, familiers et universels. Comme dans tout jeu, il y a une règle: ne pas modifier l’intrigue du roman, une fois l’enquête achevée. L’auteur va s’y tenir et consigner dans un journal de bord les différentes étapes de cette aventure qui ne laissera personne indemne.

 

La famille du roman est une famille ordinaire à ceci près que manque la mère. C’est autour de cette absence que se construit l’histoire des Gens dans l’enveloppe. La question de l’abandon en est le centre. Laurence, son héroïne, a huit ans quand sa maman disparaît. « On s’est levé un matin, un mardi,elle n’était pas là. On est rentré le soir, elle n’était pas là. A l’usine on ne l’a pas vue« . Laurence, Serge son père, mais aussi mamie Poulet qui avec ses grosses lunettes ressemble à Jaruzelski et papy Raymond, tous à leur manière vont attendre le retour de la mère. D’après les photos, l’auteur imagine que Laurence est née dans les années 70. Comme elle. Qu’elle a passé son enfance dans l’Est. Comme elle. Non loin de Besançon. Comme elle.
Vient alors le temps de l’enquête. Le lecteur s’est attaché à Laurence, Michelle, mamie Poulet et les autres. Il n’est pas sûr d’avoir envie de les rencontrer en vrai. L’auteur a peur que la réalité affadisse la fiction qu’elle a patiemment tricotée. Le lecteur aussi, touché au coeur par ces vies ordinaires racontées avec tant de justesse qu’elles en deviennent extraordinaires. C’est pourtant là que le livre devient stupéfiant. On pourrait être dans un film de Woody Allen, on est juste dans la vraie vie. Celle de ces gens qu’Isabelle Monnin a inventé et qu’elle va maintenant rencontrer. Un auteur en quête de ses personnages. Laurence pour commencer et qui, hasard, s’appelle bien Laurence, puis les autres. Ils vont se confier à elle et leurs récits laissent sans voix. La réalité dépasse de loin la fiction. Ou la fiction annonce de manière sidérante ce que l’on nomme réalité. Allez savoir. C’est un livre bouleversant de justesse, de tendresse et de retenue qui dessine au fil de ces vies minuscules le portrait en creux d’un personnage qui semble faire partie de la famille : l’auteur. Roman, enquête, autoportrait… quoi d’autre?  Chansons bien sûr signées d’Alex Beaupain. Et peut être spectacle. On ne pouvait rêver plus bel hommage.

Les gens dans l’enveloppe – Isabelle Monnin – JC Lattès – 370 pages
voir et lire un extrait.

Isabelle Monnin, ONPC 5 septembre 2015

Les lectures d’Alexandra

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