« Les gens dans l’enveloppe », la vie des gens
« Les gens dans l’enveloppe », dernier ouvrage d’Isabelle Monnin, ne ressemble à aucun autre. Mêlant fiction, enquête, album photo et journal de bord, il est la preuve éclatante que toute vie vaut d’être racontée.
La famille du roman est une famille ordinaire à ceci près que manque la mère. C’est autour de cette absence que se construit l’histoire des Gens dans l’enveloppe. La question de l’abandon en est le centre. Laurence, son héroïne, a huit ans quand sa maman disparaît. « On s’est levé un matin, un mardi,elle n’était pas là. On est rentré le soir, elle n’était pas là. A l’usine on ne l’a pas vue« . Laurence, Serge son père, mais aussi mamie Poulet qui avec ses grosses lunettes ressemble à Jaruzelski et papy Raymond, tous à leur manière vont attendre le retour de la mère. D’après les photos, l’auteur imagine que Laurence est née dans les années 70. Comme elle. Qu’elle a passé son enfance dans l’Est. Comme elle. Non loin de Besançon. Comme elle.
Vient alors le temps de l’enquête. Le lecteur s’est attaché à Laurence, Michelle, mamie Poulet et les autres. Il n’est pas sûr d’avoir envie de les rencontrer en vrai. L’auteur a peur que la réalité affadisse la fiction qu’elle a patiemment tricotée. Le lecteur aussi, touché au coeur par ces vies ordinaires racontées avec tant de justesse qu’elles en deviennent extraordinaires. C’est pourtant là que le livre devient stupéfiant. On pourrait être dans un film de Woody Allen, on est juste dans la vraie vie. Celle de ces gens qu’Isabelle Monnin a inventé et qu’elle va maintenant rencontrer. Un auteur en quête de ses personnages. Laurence pour commencer et qui, hasard, s’appelle bien Laurence, puis les autres. Ils vont se confier à elle et leurs récits laissent sans voix. La réalité dépasse de loin la fiction. Ou la fiction annonce de manière sidérante ce que l’on nomme réalité. Allez savoir. C’est un livre bouleversant de justesse, de tendresse et de retenue qui dessine au fil de ces vies minuscules le portrait en creux d’un personnage qui semble faire partie de la famille : l’auteur. Roman, enquête, autoportrait… quoi d’autre? Chansons bien sûr signées d’Alex Beaupain. Et peut être spectacle. On ne pouvait rêver plus bel hommage.
Les gens dans l’enveloppe – Isabelle Monnin – JC Lattès – 370 pages
voir et lire un extrait.
Isabelle Monnin, ONPC 5 septembre 2015
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