« Dix-sept ans » d’Eric Fottorino: retour à Nice

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Neuf ans après « L’homme qui m’aimait tout bas », roman consacré à son père d’adoption, Eric Fottorino part sur les traces d’une inconnue: sa mère.

Le roman s’ouvre sur un déjeuner auquel les trois frères ont été conviés. Après lequel la vie ne sera plus jamais la même. « Ce déjeuner, c’était Waterloo », écrit Eric Fottorino en préambule à la confession que sa mère leur fit à tous trois ce jour-là: « Le 10 janvier 1963, j’ai mis au monde une petite fille. On me l’a enlevée aussitôt. Je n’ai pas pu la serrer contre moi. Je ne me souviens même pas de l’avoir vue. D’avoir vu le moindre détail. Elle n’est pas rentrée dans mes yeux ». Cette petite fille qui aurait dû s’appeler Marie, l’ancien directeur du Monde n’en a pas le moindre souvenir. « Je n’ai jamais rien ressenti. J’ai grandi à l’ombre de cette histoire. Dans ses creux, dans ses cris. » Il n’avait pas trois ans. Son père Moshé, » juif de Fès » venait de les quitter, sa mère et lui. Sa grand-mère avait savamment orchestré l’abandon de cette petite fille qui aurait aujourd’hui cinquante-cinq ans. 

 

Secret de famille

Roman des origines, Dix sept ans est un livre en trompe l’œil. L’histoire d’un abandon qui en cache un autre contribuant à creuser la question de la filiation qui était déjà au cœur de « L’homme qui m’aimait tout bas ». L’abandon comme une malédiction qui se reproduit de génération en génération. Eric Fottorino abandonné par son père Moshé puis adopté par Michel Signorelli. Lina sa mère abandonnée elle aussi par son père puis symboliquement par sa propre mère. Et l’auteur de s’interroger « Etre abandonné, avoir abandonné, qui peut dire ce qui fait le plus mal?  » L’histoire se répète de manière troublante dans cette famille où les hommes ont coutume de se faire la belle. 
C’est à Nice où Lina fut envoyée lorsqu’elle l’attendait qu’Éric Fottorino fera toute la lumière sur son histoire familiale. A plus de cinquante ans d’intervalle, le romancier mettra ses pas dans ceux de cette jeune fille de dix-sept ans rejetée par les siens, comprenant alors son aveuglement « Toutes ces années où je croyais n’avoir cherché qu’un père, je n’avais pas senti l’absente sur chaque photo. Il manquait quelqu’un. Il manquait Elle, la petite fille. On l’avait effacée et je n’avais rien remarqué. Ni vue ni connue. Seul le regard de ma mère aurait dû m’alerter. Je croyais que l’ombre à l’intérieur de ses yeux n’était que mon triste reflet. » Dix- sept ans conte l’histoire de ce secret de famille dont la révélation tardive scellera les retrouvailles d’une mère et d’un fils. Un roman aussi solaire que bouleversant.

Dix-sept ans – Eric Fottorino – Gallimard – 272 pages

> lire un extrait
> entretien avec Eric Fottorino
(photo d’illustration de l’article: Francesca Mantovani/Gallimard)

  les lectures d’Alexandra
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