Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #40 : La grande blanchisserie de Kinshasa
Marco se promène dans Kinshasa en sifflotant un tube récent …
“Well I need a dollar dollar, a dollar is what I need – Hey hey”
Un dimanche après-midi de septembre dans le centre vide de Kinshasa, avec un collègue nous déambulions sans but précis ; pris d’une inspiration décalée, je demandai aux gardiens d’un immeuble qui avait l’air suffisamment moderne si il y avait des appartements à louer. Le manager, musulman, était disponible – il s’ennuyait sans doute autant que nous – et nous emmena visiter quelques appartements ($2,500 pour un appartement non meublé avec deux chambres ; $4,000 en version meublée). Je pris sa carte, et nous rentrâmes à l’hôtel.
Après avoir cliqué quelques pages sur internet à la recherche de la compagnie immobilière, je suis tombé sur un avertissement : il y était déconseillé de faire des affaires avec cette compagnie, celle-ci était fichée sur la liste noire de je ne sais plus quelle agence américaine, et elle était soupçonnée de financer le Hezbolah. Rien vraiment de très inhabituel ; en Afrique de l’Ouest, nombre de compagnies tenues par des Libanais sont soupçonnées de financer ce mouvement et il circule aussi des histoires sur des militants islamistes venus se mettre au vert sur la côte ouest-africaine. Quand j’étais à Abidjan, je me demandai parfois si le vendeur de voitures du coin faisait, ou non, partie de ces réseaux, et dans ce cas à quoi pouvait bien ressembler le paysage mental du personnage.
Après avoir cliqué quelques pages sur internet à la recherche de la compagnie immobilière, je suis tombé sur un avertissement : il y était déconseillé de faire des affaires avec cette compagnie, celle-ci était fichée sur la liste noire de je ne sais plus quelle agence américaine, et elle était soupçonnée de financer le Hezbolah. Rien vraiment de très inhabituel ; en Afrique de l’Ouest, nombre de compagnies tenues par des Libanais sont soupçonnées de financer ce mouvement et il circule aussi des histoires sur des militants islamistes venus se mettre au vert sur la côte ouest-africaine. Quand j’étais à Abidjan, je me demandai parfois si le vendeur de voitures du coin faisait, ou non, partie de ces réseaux, et dans ce cas à quoi pouvait bien ressembler le paysage mental du personnage.
La République Démocratique du Congo a la réputation d’être une grande blanchisserie monétaire, et la rumeur veut que les transactions immobilières se font parfois avec des valises de cash. Bref, le pays n’est pas en odeur de sainteté monétaire, ce qui m’a été confirmé quand j’ai voulu payer le loyer et la caution pour l’appartement ; sur le site de ma banque aux Etats-Unis, la RDC est l’un des très rares pays à ne pas être sur la liste des pays où il est possible de faire un virement électronique. J’ai appelé ma banque au téléphone, pour demander quelle alternative il y avait. La réponse était éloquente : nous ne traitons plus avec la RDC. Je me suis dit que ma banque péchait peut-être par excès de prudence et demandai à un ami si je pouvais passer par sa banque. Même résultat.
Pendant dix jours j’ai donc fait le pèlerinage au distributeur bancaire, qui vous donne au choix des francs congolais ou des dollars*. Et un soir que j’amenai le fruit de ma cueillette de dollars au propriétaire, qui habite au rez-de-chaussée de notre petit immeuble, il me raconta ce qui lui était arrivé ce matin là. A cinq heures des individus se prétendant membres de la Cenaref – Cellule nationale des renseignements financiers – sont arrivés chez lui, prétendant venir faire une perquisition car il était soupçonné, et donc quasiment accusé, de financer des terroristes (il est musulman sunnite). La mascarade a duré une dizaine d’heures, mais il ne s’est pas laissé impressionner. Il m’a expliqué que, selon toute vraisemblance, des musulmans chiites de Kinshasa l’avaient dénoncé ; et qu’effectivement, les réseaux financiers clandestins chiites prospèrent sous le soleil du président Kabila.
Dans la même rubrique, j’ai lu dans un journal fort sérieux – sans doute le New York Times, puisque j’en fais une cure quotidienne – qu’au Nigéria le bureau de lutte contre la corruption avait trouvé une nouvelle vigueur après les récentes élections présidentielles, et que son nouveau responsable avait reçu d’un « délinquant » la proposition de retourner 260 millions de dollars si le gouvernement laissait tomber les poursuites. L’ampleur de la somme a laissé le vieux cynique que je suis un peu rêveur.
Dans la même rubrique, j’ai lu dans un journal fort sérieux – sans doute le New York Times, puisque j’en fais une cure quotidienne – qu’au Nigéria le bureau de lutte contre la corruption avait trouvé une nouvelle vigueur après les récentes élections présidentielles, et que son nouveau responsable avait reçu d’un « délinquant » la proposition de retourner 260 millions de dollars si le gouvernement laissait tomber les poursuites. L’ampleur de la somme a laissé le vieux cynique que je suis un peu rêveur.
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* En septembre 2012, le ministre congolais des Finances estimait à 90 % les dépôts qui se faisaient dans des banques commerciales en dollars américains et à 95 % les crédits bancaires libellés dans la même monnaie. C’est ce qu’on appele la dollarisation d’une économie, ce qui se produit dans les pays qui connaissent ou ont connu récemment des cycles d’hyper-inflation
* En septembre 2012, le ministre congolais des Finances estimait à 90 % les dépôts qui se faisaient dans des banques commerciales en dollars américains et à 95 % les crédits bancaires libellés dans la même monnaie. C’est ce qu’on appele la dollarisation d’une économie, ce qui se produit dans les pays qui connaissent ou ont connu récemment des cycles d’hyper-inflation
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