Milos Forman et son « Amadeus » 🎥 au cœur du mystère Mozart. #09
Cette semaine d’avril 2018, le cinéaste Milos Forman s’est éteint à l’âge de 86 ans.
Créér …
À toute vitesse … et Heidegger en prime
Quand on s’intéresse de près au processus créatif de Mozart, une constante fascine et intrigue tout d’abord: L’incroyable rapidité de composition de l’artiste, des pages écrites plus vite que la pensée, comme s’il ne composait pas mais copiait. Je devais avoir 16, 17 ans quand, pour mieux comprendre, j’ai essayé de recopier intégralement l’ouverture de Don Giovanni à la même vitesse que celui-ci la composa, c’est-à-dire en une nuit, pas plus. A six heures du matin, les doigts crispés, le dos en bouillie et les yeux rouges, j’ai jeté l’éponge. Il me manquait 11 pages. Alors que je n’avais qu’à recopier, Mozart avait été plus rapide que moi, et dans le même temps qu’avait coûté ma fastidieuse copie, il avait écrit l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire de la musique. Comment ce prodige était-il possible?
J’ai conservé de cette petite expérience humiliante, une question lancinante. Comment Mozart pouvait réussir à coucher toute la musique qu’il avait dans la tête sans jamais ralentir ni douter, sans une rature?
Dans sa très fournie correspondance, Mozart n’évoque jamais sa manière d’écrire, ni sa technique, ni ses trucs ou ses habitudes. Mozart n’a évité, en 30 ans de correspondance, aucun sujet sauf celui-là.
Pourtant, il existerait bien quelques lignes, où enfin Mozart parlerait de ses secrets de fabrication. Le texte qui suit est extrait d’une lettre que Wolfgang Amadeus aurait écrit au musicologue et librettiste Johan Friedrich Rochlitz. Les spécialistes n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur l’authencité de ces mots, et même si Rochlitz assurait les tenir d’une confidence de son ami Mozart, rien n’est sûr. Mais, pour percer le cœur du mystère Mozart c’est une pièce intéressante, voire très troublante. Il semble impossible que Rochlitz ait inventé entièrement cette très surprenante explication. Ces quelques lignes ne cessent de m’intriguer, bien plus encore que les images de l’Amadeus de Forman. Est-ce là le cœur du mystère Mozart?
Tout cela allume mon âme, et à condition que je ne sois pas dérangé, mon sujet s’élargit, se monte méthodiquement et se définit, et le tout, quoique long, est presque achevé et complet dans mon esprit, pour que je puisse l’examiner comme une belle image ou une belle statue, en un coup d’œil. Je n’entends pas non plus dans mon imagination les parties successivement, mais je les entends, pour ainsi dire, tout à la fois …
À ce texte, répond, en un éclairage puissant et subtil cette phrase du philosophe Heidegger:
La faculté de composer un morceau entier était presque achevé dans sa tête de sorte que Mozart pouvait ensuite, d’un seul regard, le voir en esprit comme un beau tableau ou une belle sculpture.
Que ce soit Heidegger ou Johan Friedrich Rochlitz, le concept de composition évoqué est le même. Mozart entendrait intérieurement ses œuvres comme un bloc résonnant, sans chronologie temporelle, sans défilement. Une couleur globale qui résume et contient toute la composition qui bientôt s’écrira. Comme si toutes notes de l’œuvre sonnaient en même temps. La musique sans le Temps!
Je vous laisse avec ce mystère qui depuis trente ans me résiste, et vous abandonne en compagnie de ce bijoux Mozartien, la lumineuse sérénade en si bémol majeur K361, qui malgré sa beauté, ne dit rien du mystère créatif de Mozart, et c’est peut-être tant mieux.
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