« Si l’habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première dont elle n’a ni les cruautés, ni les enchantements » (Marcel Proust – « Sodome et Gomorrhe »)
Depuis que je suis revenue de vacances, les poussettes se sont comme multipliées dans mon immeuble. J’avais croisé quelques femmes enceintes avant l’été donc l’événement n’a rien de totalement inattendu, mais quand j’entends le concert de hurlements qui se répondent d’un étage à l’autre, je me demande si chacune n’a pas mis au monde deux ou trois jumeaux à la force herculéenne.
Par rapport aux perceuses de l’année dernière, je trouve ces cris plutôt mignons, comme les bébés que je croise dans l’ascenseur, trônant dans lesdites poussettes et me jaugeant avec méfiance. Ceci dit, ces bébés florissants prennent pour moi la dimension symbolique du vieux duc de Guermantes ou de Gilberte pour le narrateur qui réalise, à la fin du Temps Retrouvé, que le superbe duc au masque jupitérien et la jeune fille en fleurs sont devenus une ruine fouettée aux quatre vents de la vie, et une grosse femme qu’il croit gâteuse parce qu’il la prend pour sa mère: une incarnation d’un Temps qui serait passé l’air de rien s’il n’avait creusé des marques tellement visibles sur tous les invités de la fête que le narrateur croit se retrouver au beau milieu d’un bal costumé.
En voyant ces beaux bébés joufflus, c’est un peu la même prise de conscience qui commence à me travailler: déjà un an que j’ai commencé ma thèse, et le résultat reste pour l’instant moins palpable qu’un nourrisson aux cris retentissants. Au fond, c’est fou comme neuf mois de temps peuvent donner des résultats différents.
Je remonte chez moi avec ma baguette et me dis qu’une thèse, c’est comme un bébé qui resterait anormalement silencieux toute la journée, quoiqu’étant toujours bien présent et impossible à oublier dans la chambre à côté. Comme je travaille chez moi tant que la BNF est fermée (du 8 au 21 septembre), l’illusion d’être une femme au foyer d’un genre un peu particulier pourrait être parfaite les jours où je ne donne pas mes cours, à ceci près que mon bébé exigerait une gestation plus interminable encore que celle d’un éléphant.
Finalement, ces petits bébés bruyants sont comme des émissaires providentiels qui viendraient me rappeler régulièrement le passage du temps et, comme le dit Proust quand il prend conscience que le Temps a passé : « un aiguillon » qui « me disait qu’il était temps de commencer » avant qu’il ne soit trop tard.
Par rapport aux perceuses de l’année dernière, je trouve ces cris plutôt mignons, comme les bébés que je croise dans l’ascenseur, trônant dans lesdites poussettes et me jaugeant avec méfiance. Ceci dit, ces bébés florissants prennent pour moi la dimension symbolique du vieux duc de Guermantes ou de Gilberte pour le narrateur qui réalise, à la fin du Temps Retrouvé, que le superbe duc au masque jupitérien et la jeune fille en fleurs sont devenus une ruine fouettée aux quatre vents de la vie, et une grosse femme qu’il croit gâteuse parce qu’il la prend pour sa mère: une incarnation d’un Temps qui serait passé l’air de rien s’il n’avait creusé des marques tellement visibles sur tous les invités de la fête que le narrateur croit se retrouver au beau milieu d’un bal costumé.
En voyant ces beaux bébés joufflus, c’est un peu la même prise de conscience qui commence à me travailler: déjà un an que j’ai commencé ma thèse, et le résultat reste pour l’instant moins palpable qu’un nourrisson aux cris retentissants. Au fond, c’est fou comme neuf mois de temps peuvent donner des résultats différents.
Je remonte chez moi avec ma baguette et me dis qu’une thèse, c’est comme un bébé qui resterait anormalement silencieux toute la journée, quoiqu’étant toujours bien présent et impossible à oublier dans la chambre à côté. Comme je travaille chez moi tant que la BNF est fermée (du 8 au 21 septembre), l’illusion d’être une femme au foyer d’un genre un peu particulier pourrait être parfaite les jours où je ne donne pas mes cours, à ceci près que mon bébé exigerait une gestation plus interminable encore que celle d’un éléphant.
Finalement, ces petits bébés bruyants sont comme des émissaires providentiels qui viendraient me rappeler régulièrement le passage du temps et, comme le dit Proust quand il prend conscience que le Temps a passé : « un aiguillon » qui « me disait qu’il était temps de commencer » avant qu’il ne soit trop tard.
À suivre.
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