« Oh Lucy! » de Atsuko Hirayanagi: lost in translation 🎬

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La comédie de mœurs a un goût de poison, mais Lucy sait en inventer les antidotes. Elle ne manque pas d’imagination.

Puisqu’il est japonais, en regardant l’affiche de ce film, certains penseront que Lucy est en pleine séance de bondage. Pas du tout, elle prend un cours d’anglais.
Si la comédie de Atsuko Hirayanagi est souvent (dé)culottée, elle n’a rien à voir avec un X.

Elle s’appelle en fait Setsuko, son âge est déjà un peu avancé, c’est une modeste employée d’un bureau où on apprécie poliment son service du thé. Elle n’a pas grand-chose d’autre dans sa morne vie et rentre sagement le soir, seule, isolée, dans l’appartement capharnaüm d’une victime du syndrome de Diogène. Elle ne jette rien, comme pour oublier qu’elle n’a rien fait de sa vie.
Tout va changer lorsque Mika, sa pétillante nièce, lui propose de reprendre les cours d’anglais qu’elle ne veut plus suivre mais qu’elle a déjà payés. C’est un choc, dès l’entrée de l’école dont décor et lumières tamisées rappellent plus un club privé de strip-tease qu’une succursale d’Oxford. John, le jeune prof très détendu, commence son cours par un câlin, rebaptise ses élèves – Setsuko devient Lucy dorénavant parée d’une perruque blonde – et la balle de ping-pong de l’affiche est un accessoire pour mieux prononcer le « O » et le « I » (aïe). Pas sûr que ce soit pédagogiquement efficace, sûr en revanche que Setsuko-Lucy tombe dingue amoureuse du prof. Malheureusement, celui-ci disparaît au cours suivant: il est reparti en Californie avec… Mika, la nièce! Qu’à ne cela tienne, Stesuko prend un billet pour les États-Unis, et même deux puisqu’elle emmène la mère de Mika, donc sa sœur, avec qui elle a pourtant depuis toujours des rapports rivaux et conflictuels. Le road-movie californien et décalé qui s’ensuit, à l’inverse des ambiances aseptisées nipponnes, réserve pas mal de surprises, salées, sucrées et acides dans un astucieux frichti que l’on va se régaler à déguster. Tout autant que cette Lucy qui enfin se découvre de vraies envies de vie.

Bas les masques

La jeune réalisatrice japonaise s’amuse et nous amuse. Mais elle a une idée plus sérieuse derrière la tête: écouter les silencieux, ceux qui ne disent pas, qui ne savent pas, plus dire, donc plus être non plus. Setsuko est une ombre résignée, Lucy sera sa fantaisie, puis sa lumière et sa révélation. Ici, l’amour aura pu attendre le nombre des années. Encourageant pour les désespérés de la belle histoire.
Pertinemment réalisée autant qu’interprétée, la comédie est aussi subtilement dramatique.

Oh Lucy! – Atsuko HIRAYANAGI (Japon) – 1h35

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