La comédienne Juliette Plumecocq-Mech et le cinéaste Ziad Doueiri #557

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À la craie, la trace d’un corps et d’une violence; s’acquitter d’homme à homme avant même que la justice passe. Deux façons, au théâtre ou au cinéma de signifier le dérèglement des sociétés et des individus, leurs arrangements avec la mémoire ou l’histoire. L’une interprète, à même le sol, la victime d’une agression gratuite. L’autre filme au Liban la séquelle banale d’un trop lourd passé

Des Mots De Minuit : émission n° 557 du 1er février 2018

Réalisation: Pascal Bouvier

Rédaction en chef : Rémy Roche
Coordination : Marie-Odile Régnier

Direction: Philippe Lefait

© desmotsdeminuit 

CONVERSATION:

Ces deux-là parlent de la même chose. De l’irrémédiable. De ce qu’il reste ou de ce qu’il advient quand le mal est fait. Dans certains cas, la justice cherchera à recoller les morceaux. Dans d’autres, c’est le récit qui fera date et mémoire. Avec, « L’Insulte », le réalisateur libanais Ziad Doueiri continue d’interroger l’histoire de son pays quand un « comportement de con » ranime les haines recuites dans des cohabitations forcées entre communautés, quand arroser une plante revient à mettre le feu à la poudre. Dans « Toute ma vie, j’ai fait des choses que je savais pas faire », Juliette Plumecocq-Mech « rewind » une agression sans cause mais avec sérieux dommages pour celui qui revoit sa vie dans l’agonie. Là encore, haine recuite et peur de l’inconnu dans les cafés de nos villes et de nos villages. Ici, pas la guerre ou ses restes, non! La détestation ordinaire de l’autre. Ici et là-bas, la barbarie à bas bruit !
Ziad a le bandana facile de ceux qui ont vadrouillé, toujours déterminé, de Beyrouth à Hollywood, d’une mère avocate à Tarantino. Juliette a la voix grave de celles qui ont de qui tenir. Elle a fini dans la botte des recrutés du Théâtre du soleil d’Ariane Mnouchkine et a poursuivi sur des chemins toujours judicieusement choisis.
Quand ils arrivent sur le plateau, ces deux empêcheurs du rond de la pensée semblent se connaître, se reconnaître … De fait, Juliette aurait pu jouer dans « Baron noir », la série de Canal + , dont Ziad est l’un des réalisateurs … Une série de politique fiction au scénario si parfaitement machiavelique qu’il produit l’effet paradoxal de dire tout de la façon de faire de la politique et de se placer auprès de son prince ou de sa princesse sans laisser la moindre place à son résultat, à ses buts ou à notre intérêt : organiser le vivre ensemble … 

Leur mot de minuit : « Café » pour Ziad, « Ensemble » pour Juliette   

Scénario : « À Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni (chrétien libanais) et Yasser (réfugié palestinien) devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l’affrontement des avocats porte le Liban au bord de l’explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face. »

Juliette Plumecocq-Mech :

« Après une formation de trois ans au Conservatoire régional de Bordeaux où elle reçoit, entre autres, l’enseignement de G. Laurent, R. Paquet, J. Moignard, B. Jacques, P. Hottier, P. Néel, E. Simon, etc. Elle travaille avec Django Edwards, les Colombaïoni, puis intègre la troupe du Théâtre du Soleil dirigée par Ariane Mnouchkine où elle rencontre Christophe Rauck. Elle fait partie de l’équipe de comédiens issus du Théâtre du Soleil qui se lancent dans l’aventure de la création de la Compagnie Terrain vague, qui crée son premier spectacle Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht dans la mise en scène de Christophe Rauck.

Commence alors une longue collaboration artistique entre le metteur en scène et la comédienne qu’on verra dans nombre de mises en scène de Christophe Rauck : Comme il vous plaira de William Shakespeare, Le Théâtre ambulant Chopalovitch ; Le Dragon d’Evgueni Schwartz, Le Rire des asticotsde Cami, Le Révizor de Gogol, Coeur ardent d’Alexandre Ostrovski, Têtes rondes et têtes pointues de Brecht et Cassé de Rémi De Vos.
Dans le même temps, Juliette croise d’autres metteurs en scène parmi lesquels Julie Brochen qui la dirige dans Whistling psyche de Sébastien Barry, Gauvin et Le Chevalier vert (Florence Delay et Jacques Roubaud) ; Thierry Roisin pour Dialogues têtus d’après Giacomo Leopardi, Omar Porras pour Maitre Puntila et Son valet Matti de Bertolt Brecht. Dernièrement, elle a participé à l’aventure du Graal Théâtre sous la direction de Julie Brochen et Christian Schiarretti. Elle a reçu le prix d’interprétation féminine de l’AQCT (Association québécoise des critiques de théâtre) pour le rôle de Valmont dans Quartett d’Heiner Muller dans la mise en scène de Florent Siaud. Parallèlement à sa carrière au théâtre, on la voit au cinéma (Les Jours venus de Romain Goupil, Radiostars de Romain Levy et Mon Arbre de Bérénice André, etc). Elle joue aussi régulièrement dans des courts-métrage et à la télévision. » 

© Théâtre du Rond-Point

« Le type est entré d’un coup. 

Individu à terre, il répond à l’agresseur, il se bat et remonte le fil jusqu’à l’agression. Athlète d’exception, la comédienne Juliette Plumecocq-Mech incarne la révolte d’un homme tombé, impuissant face à la barbarie des autres. 
Étendu et tendu, l’individu à terre répond encore à l’agresseur, il se bat, mais se tient dans les lignes dessinées au sol à la craie. Le meurtre a eu lieu, agression mortelle. On remonte le fil, retour en arrière vers le moment crucial, l’agression, le coup et la chute. Le corps au sol de la victime s’exprime, se défend, parle pour se sauver. L’histoire se raconte à rebours, on remonte jusqu’au moment de la bière, la violence verbale. On rembobine le fil, la trame du drame, on y voit plus clair. Mais l’homme a fini là, au sol, contre le bar, laissé pour mort. Un corps à terre, deux sonates de Beethoven et une voix pour tout dire. Comment faire face à la sauvagerie, à la bestialité ? Parler, toujours, pour tenir. Mais il est par terre et sa chaise est renversée. 
La comédienne Juliette Plumecocq-Mech assume au sol la position et la voix du personnage masculin. Athlète d’exception, elle incarne la révolte de l’homme tombé, impuissant face à la barbarie des autres. Christophe Rauck, directeur du Théâtre du Nord à Lille et metteur en scène, a commandé le monologue de Toute ma vie… à Rémi De Vos. L’auteur a présenté au Rond-Point Jusqu’à ce que la mort nous sépare et Sextett dans des mises en scène d’Éric Vigner, Débrayage dirigé par Anne-Laure Liégeois et Occident mis en scène par Dag Jeanneret. Nouvelle musique ici, haletante, souffle coupé d’une humanité terrorisée, tombée, qui résiste, contre toute attente encore, par la parole. »

© Pierre Notte 

 

MUSIQUE :

 

Le groupe libanais M.O.B – Zouama Al Jomhouriyeh (زعماء الجمهورية)

CONSEIL DE LECTURE :

 

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