« Mariana » de la chilienne Marcela Said: sa caméra explore le « gris » du temps

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Les dictatures et les guerres sales sont des os que les chiens ne lâchent pas. La métaphore vaut pour un pays à qui un temps de l’histoire a donné « plein de monstres » et fait la douleur des enfants de tortionnaires ou de collaborateurs. Mais peut-on détester un père? Qui plus est, quand on est fille et que le machisme rabaisse toutes les femmes. « Los perros » dit tout le gris des renoncements

« Mariana » obtient à Biarritz le prix du jury. 

Marcela Said -elle fut adolescente des mauvais temps de Pinochet- dit immédiatemment dans ce mot à mot (réalisé au Festival Biarritz Amérique latine – Le palmarés 2017…) que des lambeaux de sa jeunesse l’ont aidée à « écrire » un personnage qui aime les chiens (perro en espagnol), Mariana (remarquable Antonia Zegers): la maturité supposée; l’aisance des nantis; l’assignation à ses rôles de fille au père compromis; de femme à l’avenir de mère; de rebelle velléitaire; d’amante désabusée et nue quand ceux qui la prennent restent habillés. Le seul a lui prêter un peu d’attention est son maître d’équitation (puissant Alfredo Castro), ancien éxécutant gradé des basses besognes.

Los Perros. Les chiens

Synopsis: Mariana, une quadragénaire issue de la haute bourgeoisie chilienne, est enfermée dans le rôle que son père, puis son mari, ont toujours défini pour elle. Elle éprouve une étrange attirance pour Juan, son professeur d’équitation de 60 ans, ex-colonel suspecté d’exactions pendant la dictature. Mais cette liaison réprouvée ébranle les murs invisibles qui protègent sa famille du passé.

Marcela Said avait déjà largement entamé ce retour sur le passé dans deux films documentaires, « I love Pinochet » et plus récemment « El mocito »  avec Jean de Certeau. « Mariana Los Perros » est son deuxième long-métrage. Derrière la dimension politique du propos, on trouve plus essentiellement une réflexion sur la part d’ombre qui rôde à bas bruit en chacun et que les circonstances ou les événements déploient.

J’ai toujours aimé traiter les nuances, les gris. La ligne qui sépare le bien du mal est plus fine qu’on ne l’imagine… Un seul et même personnage pour entremêler le crime et la rédemption, le désir et la répulsion, la douleur et l’extase. C’est celle de tous les personnages du film – le père castrateur et protecteur, le mari aimant et tortionnaire, le policier salvateur et manipulateur… Si les militaires ont été traduits en justice pour leur rôle sous la dictature, les classes dirigeantes qui ont soutenu Pinochet et se sont enrichies sous sa tutelle, ont jusque-là toujours été blanchies. 

On pourrait entendre également un appel au féminisme dans ce quotidien d’une femme-fille perdue dans une société de la mère vénérée et de l’ordre mâle.

Marcela Said avait déjà été récompensée du Prix du Syndicat français de la critique en 2013 pour « L’été des poissons volants ».  

Alexandra Bas

Luis Silva (Elder) et Alfredo Castro dans « Desde allà » (« Les amants de Caracas » du vénézuélien Lorenzo Vigas)

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