« De l’autre côté de la porte », « White shadow », cinéma du réel 🎬
Faire cinéma du documentaire: c’est le projet de deux films très différents dans leurs sujets et dans leur manière de fictionner le réel. Au Japon, l’inquiétante épidémie d’hikikomoris, en Afrique la chasse sanglante aux albinos.
De l’autre côté de la porte (2008) – Laurence TRUSH (GB) – 1h50
Le film s’ouvre sur la description clinique d’un collège où tout est interdit sauf d’obéir. Les élèves semblent en faire leur affaire obligée mais le jeune Hiroshi, lui, y est de plus en plus absent. A l’aller ou au retour, suivi par son jeune frère qui n’ose rien dire, il compte machinalement ses pas, l’obsession annonce le pire, c’est dans sa chambre fermée à clef que l’ado va barricader son mal-être et sa maladie, c’en est bien une. Sa mère, aimante d’un soleil qui ne se lève plus, s’inquiète, interroge le cadet, hésite puis semble renoncer à comprendre. Le père, toujours dans de coupables voyages, conseille de ne rien faire, en tout cas ne rien dire pour protéger la famille d’une mauvaise réputation. On ignorera presque jusqu’au bout ce que l’auto-damné imagine résoudre dans sa chambre close, ce qu’il y fait. Finalement contacté, un psychologue spécialisé proposera d’autres solutions, en existe-il?
Sobriété quasi-ascétique mais millimétrée pour ce huis-clos maladif. La dramaturgie et la mise en scène se limitent à un apparent strict minimum qui fait le maximum. Le graphisme géométrique installe dès les premiers plans l’enfermement à venir, à peine éclairé par de basses lumières qui sont pourtant éblouissantes d’une vérité que l’on connaît mal.
Le film annonce:
* * *
White Shadow – Noaz DESHE (Allemagne)- 1h50
Ca n’est pas seulement un fléau, c’est une barbarie. Dans quelques pays d’Afrique, les albinos (qui y sont 4 fois plus nombreux qu’en Europe) sont pourchassés, mutilés quand ils ne sont pas assassinés puis dépecés. Leurs organes ou leurs membres qui se négocient en centaine voire milliers de dollars sont utilisés par des sorciers dans des préparations qui, selon d’épouvantables croyances, auraient des vertus magiques favorisant la bonne fortune. En Tanzanie, on ne compte plus les victimes, au point que le gouvernement punit désormais de la peine de mort un assassinat d’albinos. Et vient d’interdire la pratique de la sorcellerie, c’est pas gagné tant elle fait partie de la culture du pays.
Noaz Deshe, réalisateur allemand, choqué, s’empare du sujet, il est documentariste, il veut en faire un film de cinéma. Ainsi, il raconte l’histoire d’Alias, jeune albinos. Il est témoin de l’assassinat et du dépeçage de son père lui même albinos. Pour le protéger, sa mère décide de l’envoyer en ville en le confiant à son oncle, Kosmos. L’ado dégourdi se fait vite aux pratiques urbaines, il vend des dvd ou des lunettes de soleil aux feux rouges, démonte des ordinateurs de récup pour en vendre des pièces. Et tombe amoureux d’Antoinette, la fille de Kosmos qui n’apprécie pas. Parce qu’Alias est albinos?
Film étrange, souvent déroutant dans sa forme brouillon au sens enchaînement de croquis, fascinant aussi parfois.
Le projet est clair: dénoncer la chasse à l’albinos et plus généralement la vanité de la sorcellerie et l’aliénation de cette autre superstition. Mais White Shadow hésite entre le documentaire et une fiction qui pourrait être tout aussi convaincante. Dommage, quand il n’est pas reportage démonstratif, le film montre tout son potentiel cinématographique. Tourné à l’arrache avec des « acteurs » d’un jour embauchés au coup par coup pour les besoins d’une séquence, il propose ici ou là de belles idées de mise en scène, soutenues par une impressionnante bande son impeccablement mixée.
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