Le Laboratoire de Lumière. Je ne sais plus regarder l’autre à force de solitude

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Le voyage n’est pas terminé.
C’est sur les quais de l’Hudson River à New-York, que j’ai pris la décision de changer la nature du projet de l’exposition que je dois réaliser au mois de juin de cette année. Pour tout dire, j’y pensais depuis un moment. J’ai traîné à Montréal dans le quartier des doutes…

Je n’ai pas vu la lumière. À New-York, j’ai arpenté la ville et souvent, j’ai été près du fleuve pour poser mon regard au plus loin. Sur l’autre rive, d’autres vies, d’autres gens. Le voyage n’est pas terminé. Le sera-t-il un jour ? C’est ça, que je me suis dit lorsque j’étais au bord de l’eau. Je dois aller dans une autre direction. Aller à la rencontre de l’autre. J’en parle à Alasdair, l’ami qui me reçoit quelques jours à New-York. Nous nous connaissons depuis longtemps. Nos nous sommes rencontrés dans un train entre Madrid et Paris, il y a vingt cinq ans. Nous avons passé du temps à échanger, à Paris puis près de Londres. Je cherche un lien entre mes idées. Je cherche à démarrer quelque chose que j’ai en tête depuis un moment et que je me cache. Je lui explique mon nouveau projet. J’ai décidé d’introduire une notion plus humaine, plus chaleureuse dans cette exposition. J’était parti dans une direction abstraite, graphique, esthétique. Je n’ai pas trouvé mes sujets, ni mes lumières. Le temps passe, il ne me reste que quelques mois. À mon arrivée à Montréal le froid a figé mes idées. J’ai traîné dans les longues avenues, gravi la montagne au centre de la ville. Chaque pas me faisait me rapprocher de mon nouveau projet. Je n’ai pas réalisé de portraits depuis de nombreuses années. Je ne sais plus regarder l’autre à force de solitude. Je me promène dans l’ombre pour chasser la lumière. Je n’affronte pas les regards, ça me manque.

 

Je dois de nouveau aller au contact. J’attendais d’être à New-York pour commencer cette nouvelle série d’images. Je savais qu’Alasdair pourrait comprendre ce subit changement de direction, qu’il se prêterait au jeu. C’est ce que nous avons fait le deuxième jour à New-York. J’ai réalisé un portrait de mon ami, et une image intime de ses souvenirs. J’ai retrouvé de nouvelles sensations, je ne fais plus mes images dans l’ombre, je suis en face de l’autre, je croise son regard. Je peux lui parler, me faire entendre et créer ainsi une occasion de rencontre et d’échange. J’avais oublié ça. L’échange me manque. Je traîne mes idées dans un sac qui devient de plus en plus lourd. Je ne frappe plus aux portes. Dans quelques heures je pars dans la campagne autour de Montréal. Pour mon retour, j’ai déjà fixé un autre rendez-vous avec Jacques un pianiste, pour la réalisation d’un portrait. Je trouve ça plus concret. C’est peut-être ce que je cherche depuis un moment. Ne plus traîner dans un brouillard de mots, affronter les regards, voir des visages, prendre des rendez-vous. Je ne sais pas où va me mener ce changement, mais peu importe. J’ai croisé des silhouettes et des ombres, je n’ai pas pris le temps de regarder l’autre. Je n’ai traversé que des paysages et des décors. À la recherche de la lumière, je n’ai croisé personne. Je n’ai pas pu.

 

Je n’étais pas prêt. Pas prêt à croiser des regards. J’en avais perdu l’habitude. Je reprends contact doucement avec la vie. Je passe des frontières, je croise du monde, je vais le soir dans un petit bar ou l’on écoute du jazz. Je croise parfois le regard de la chanteuse. Je me mélange à la foule la nuit pour diluer mes doutes.
 
LLL. Semaine 47

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