De New-York à Paris, en passant par bien d’autres lieux. J’ai découvert des gens, et des objets magiques qui, dans de minuscules éraflures, conservent les marques du temps. J’ai réalisé les portraits de ceux qui protègent ces empreintes de la disparition. Avec une image de l’objet ayant appartenu à un proche qui n’est plus, j’ai préservé la mémoire de l’oubli. J’ai réveillé la belle endormie. Hervé Bacquer, photographe.
Nous nous étions plusieurs fois rencontrés dans ce petit bar, qui était à mi-chemin entre chez lui et chez moi…
Hervé B. – Période de confinement – Paris 75012
… un petit bar dont la porte de derrière s’ouvre sur une cour dans laquelle Il y a une autre porte: celle du Paradis Latin. On dit que les danseuses l’empruntent pour venir au bar.
Nous y venions chacun à sa façon et pas pour les mêmes raisons. Avec Eric Prinvault, un photographe, on se côtoyait dans ce bistrot de quartier, au gré de journées peu productives ou au contraire entre deux rendez-vous trop « speed ». Le temps de prendre le temps… Nous envisagions de travailler ensemble, de faire quelque chose plutôt que d’en discourir. Pas très simple de trouver un terrain commun en terme de prise de vue.
Eric avait été le premier lauréat en 1996 du prix HSBC pour la photographie. Il travaillait alors essentiellement en noir et blanc, comme reporter pour Le Secours Populaire là où ça ne va pas dans le monde. Au moment de notre rencontre, je travaille en studio numérique et là est le hic. C’est une petite chambre de bonne qu’Eric a transformée en bureau qui va être notre terrain commun. Elle est située à un angle du boulevard Saint-Germain, non loin de la place Maubert, et je peux m’y rendre à pied.
Le lieu de rendez-vous n’est pas loin de chez moi et il est tentant de s’arrêter au bar. Pour Sandrine la serveuse. Ou pour apercevoir « les danseuses du Paradis ». Il nous faudra fixer des règles de travail. Par exemple celle de ne pas passer au petit bar pour éviter d’avoir l’œil distrait par ces jolis oiseaux de nuit.
Nous échangeons des nuits entières. Nos voyages étaient bien différents. Pour un de mes projets, je me rends plusieurs fois par mois dans cette petite chambre de bonne qui devient un petit paradis. Nous avons de la musique et des plaques électriques.
Nous avons chacun nos petit morceaux de films pour partir en voyage. Eric me balade dans des pays situés sous l’équateur. Je lui raconte l’Irlande où j’ai vu des lacs la nuit.
A son retour d’un voyage du Burkina Faso, Eric m’offre ce petit morceau d’ébène sculpté que j’accroche immédiatement à mon porte-clefs. Depuis, Eric est parti pour un voyage dont on ne revient pas. Il me reste de ces moments passés à échanger, un petit morceau de bois… précieux comme le temps que nous avons passé ensemble
© “Le Laboratoire de Lumière” – 2020
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