L’été du futur d’une bergère de Normandie. #90
Bien que la fin de l’été soit la plus agréable saison en Normandie, deux ou trois constats notables m’ont marqué ces dernières semaines… Fessier du réel, cheveux blancs et « whitewashing » au programme.
Les fesses dodues sont la révolution de ce printemps. Les surhumains fessiers des Kardashian qui remplissent chaque numéro de Voici? Non, au contraire: les fesses molles, un peu affaissées, dont l’ombrage naturel ne cache rien de l’imparfait grain de peau. Celles qui sont élargies par une légère et rassurante culotte de cheval, celles dont les cuisses disharmonieuses ou les traces de vergetures évoquent ce que l’on voit dans notre miroir de la salle de bain. Postérieur mou que nous regardons avec désormais plus de mansuétude, voire de bienveillance émue. Et ça, ce n’est pas grâce aux Kardashian, Nicky Minaj ou autres créatures à la génétique fessière irréelle. Ce changement de regard découle de la communication de certaines marques de sous-vêtements qui nous bombardent depuis ce printemps de culs naturels de Madame Tout le Monde.
Callipyge…
La marque Dove se distingue depuis longtemps dans ce créneau avec ses mannequins représentatifs de la rue, de tous âges, toutes carnations et de tous formats. De véritables campagnes de publicité militantes et inclusives. Et puis récemment, des marques telles Princesse Tam.tam, Jolies Culottes ou Rejeanne ont embrayé avec davantage de subtilité: il ne s’agit plus de promouvoir un « Body Positivism » sans limite, mais de s’adresser à la cible plus restreinte de leurs produits. Des femmes plutôt jeunes et citadines. Coquettes et minces mais avec des fesses réalistes. Ni anémiées ni « photoshopées ».
Et j’avoue que ce créneau me parle. Car même si je ne me reconnais pas dans le culte de la maigreur de Lolita promue par la marque de lingerie Victoria Secret (qui est en mauvaise posture financière, soit-dit en passant, et c’est bien fait), je ne me reconnais pas non plus dans les mannequins « Plus size » aux proportions géantes, fers de lance pour appeler à s’accepter telles que l’on est. Doit-on choisir entre anorexie et surpoids assumé, sans posture intermédiaire? Est-il devenu politiquement incorrect d’affirmer que l’on préfère tendre vers une minceur relative et bien portante, que revendiquer un surpoids? Ce débat, comme de nombreux autres, est binaire donc réducteur. La minceur n’est pas qu’affaire de superficialité ou de femme-objet conditionnée par le patriarcat. Elle l’est en partie certes, mais elle participe également à une dynamique de santé, de tissu social et professionnel, d’autonomie et de mouvement.
Micro…
Je note pour finir que les jeunes femmes d’aujourd’hui, notamment les ados, osent les micro- shorts et les maillots de bain échancrés avec décomplexion, quel que soit le périmètre de leur cuisses, et ça fait du bien. Que celles de ma génération qui n’ont pas trop été conditionnées par le culte du corps des années 80 et 90 puissent être sauvées grâce à ces jeunettes!
En bref, cet été me semble signer le retour en grâce des fesses naturellement molles. Et comme les fesses artificiellement bombées des Kardashian ont sûrement servi de répulsif, remercions-en les quand même.
Est-ce dû à l’approche de la quarantaine et l’acceptation de mes cheveux blancs? Je suis désormais plus attentive aux cheveux blancs des autres! Cet été, je me suis rincé l’œil sur les chevelures argentées de moult belles femmes. Longues et sauvages, courtes à la garçonne, ou encore en carré pimpant, je me suis émerveillée de la capacité de cette couleur argent à éclairer les visages et, paradoxalement, les rajeunir. Est-ce une illusion parce que j’y suis attentive? Ou la proportion de femmes s’affranchissant de la teinture augmente-t-elle?
La touche Agnès Varda
L’énergie féminine de ces beaux modèles m’a encouragée à persévérer car la transition n’est pas facile: il faut laisser repousser ses cheveux colorés pendant au moins une année. Et même si mes repousses ne sont pas blanches immaculées, le syndrome Agnès Varda ne nous semble jamais loin. J’ai même déjà rechuté, teignant 4 cm de cheveux gris patiemment attendus, en me découvrant (avec épouvante) tricolore sur une photo. Mais je tiens désormais bon, me nourrissant de ces images de belles élégantes qui n’ont rien perdu en grâce avec leurs mèches grises encadrant leur visage.
J’ai hâte !
Le whitewashing enfin, est l’inverse du greenwashing (cette tentative pour repeindre de manière écolo une pratique douteuse pour l’environnement).
C’est ainsi que j’appellerai la pratique grandissante du « camping-carisme » qui ruine tous les littoraux de France. Consumériste, égoïste, pollueur décomplexé et replié… Je ne trouve aucun argument qui défendrait cette manière de voyager. Certains le pratiquent sans doute à bon escient en louant exceptionnellement cette maison roulante pour leur famille, donc difficile de mettre tout le monde dans le même sac. Tout comme les camions ou estafettes joyeusement aménagés qui démontrent plutôt une envie de liberté et de s’affranchir des circuits touristiques convenus.
Du camping-car et de la randonnée
Mais constater que villages et sites naturels sont remplis de ces véhicules à la blancheur éclatante et à la parabole conquérante me dépite. Font-ils vivre les commerces locaux, les restaurants et les bars? Non, leurs utilisateurs font vivre les grandes surfaces dans lesquelles ils font leurs courses et leur plein de carburant. Font-ils vivre les loisirs du territoire et les produits fermiers? En 6 ans d’animation, je n’ai jamais vu aucun « camping-cariste » s’intéresser à des activités ou aux produits naturels que je propose. Participent-ils à l’économie de la collectivité? Nullement car quand ils stationnent sur des parkings ou des aires de stationnement, ils échappent au paiement de la taxe de séjour. Personne n’aime payer une taxe de plein gré, évidemment, mais comme ces quelques euros sont collectés sur les nuitées d’hôtel, de gîte ou de camping, ils permettent de financer les installations touristiques du territoire qui profitent à tous. Donc avis aux « camping-caristes » qui ne daignent pas descendre de leur vaisseau excepté pour se prendre en photo devant un merveilleux paysage qu’ils viennent de gâcher en se garant en plein milieu, et en nous imposant la vision de leur barbecue et table pliante!
Le très beau littoral sur lequel je vis attire principalement de vrais amoureux de la randonnée et de la nature. Forts du constat alarmant de l’augmentation des camping-cars, nous en arrivons à espérer ensemble une augmentation du carburant ou de la taxe carbone pour endiguer leur prolifération arrogante. Et quand on constate qu’ils aplatissent même les dos d’âne en terre installés par les municipalités pour protéger les beaux sites, on rêve de louer une mini pelle et de creuser des tranchées pour les immobiliser…
Pourquoi cet été est-il représentatif du futur? Parce que la Normandie comme la Bretagne, îlots de fraîcheur, sont des refuges climatiques qui attireront de plus en plus de vacanciers dans l’avenir. Et pour peu qu’ils soient dénués de camping-car mais dotés de vraies paires de fesses , de mèches argentées et de curiosité sincère pour le territoire, nous avons hâte qu’ils reviennent l’année prochaine.
Bonne rentrée !
“Une bergère contre vents et marées”: tous les épisodes
♦ Stéphanie Maubé invitée de l’Emission # 578 (7/03/2019)
♦ Stéphanie Maubé, le film “Jeune Bergère” de Delphine Détrie (sortie: 27/02/2019)♦ Stéphanie Maubé dans l’émission “Les pieds sur terre” – France Culture: (ré)écouter (07/04/2015)♦ Le portrait de Stéphanie Maubé dans Libération (26/02/2019)
♦ Stéphanie Maubé dans l’émission de France Inter “On va déguster“: (ré)écouter (6 mai 2018)
♦ Le site de Stéphanie Maubé
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