📚 « Manifesto » de Léonor de Récondo: à la vie, à la mort
Renouant avec la veine autobiographique de son premier ouvrage, la romancière et violoniste retrace les dernières heures de son père. Un livre sur la mort qui se lit comme un hymne à la vie.
Héraclite prétendait que « ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face« . C’est pourtant ce que fait Léonor de Récondo saisissant son sujet -dernier tabou de notre société- à bras le corps. Ici pas de faux semblant. D’ailleurs, « on ne dit pas partir, on dit mourir! Il n’y a pas d’autre mot » se retient de rappeler la romancière à l’infirmière qui vient assister son père. Sculpteur, Félix de Récondo souffrait depuis plusieurs années de la maladie d’Alzheimer mais c’est une infection contractée à la suite d’une opération qui a provoqué son décès. C’est cette nuit-là qu’entend raconter sa fille. Cette « nuit noire« . Ce passage de vie à trépas. Un sujet qu’elle va embrasser avec toute la fougue de son imagination convoquant un invité surprise mort depuis longtemps: Ernest Hemingway.
Les deux hommes n’avaient pas le même âge mais le père de la romancière avait eu l’occasion de croiser l’auteur du Vieil Homme et la mer lorsqu’il était enfant. Léonor de Récondo imaginera leur ultime conversation. La Guerre civile espagnole, les Toros, Marthe, pour Hemingway. L’exil les Landes, Hendaye pour Félix qui confessera ne s’être jamais « senti espagnol, jamais français non plus » et pour qui « les seuls territoires qui restaient étaient ceux du dessin, de la sculpture et de la création« . Félix qui cédera au désir de sa fille et lui fabriquera de ses propres mains son violon, faisant pénétrer la musique dans la maison. Tandis qu’Hemingway, dit Ernesto, aura tant de mal enfant avec le violoncelle. Félix qui partagera avec Léonor la passion de la création et ira jusqu’à s’imaginer musicien dans une communion de tous les instants. « Je n’ai pas d’archet, juste un crayon. Le cercle est le même. Le trait est le même« .
C’est avec sa plume que Léonor Récondo devenue romancière construira pour son père ce tombeau de papiers où chaque mot est pesé, exigeant, vibrant. Il fallait beaucoup de doigté pour trouver l’équilibre entre ces chapitres douloureux où mère et fille veillent celui qui vit ses derniers instants et ceux, souvent joyeux, où les deux hommes évoquent leurs souvenirs. Léonor de Récondo y est parvenue avec une grâce infinie et signe une partition où la vie et la mort dansent de concert.
Manifesto de Léonor De Récondo – Sabine Wespieser Éditeur
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