Magicien virtuose ou clown dépressif? Les deux. Dans un spectacle sombre et éblouissant.
Ce clown se moque du monde. À commencer par son audience dont, d’emblée, il ricane des toux de ceux qui se calent dans leur fauteuil et des rires, d’abord un peu forcés, puisqu’il faut forcément et immédiatement rire d’un clown.
Le ton est rapidement donné, il sera trash, il y aura des rots, du vomi, du sang et de la douleur, mais oui on rira. Parfois aux larmes – ou jaune – parce que nos bonnes consciences vont souvent êtres mises à l’épreuve. En toute fausses innocence et maladresses, le burlesque de ce zombie est une mise en abîme potentiellement salutaire. Il parait grossier, il est finement spirituel même quand il s’amuse de nos conformismes, de nos peurs, voire de nos lâchetés.
En vrac, quelques accessoires de ce happening millimétré qui ne se raconte pas, des bananes ingurgitées compulsivement, mais qui peuvent se transformer en arme à feu, une carafe et un gobelet qui conversent et se meurtrissent, un pantin de mousse représentant grandeur nature une vieille mère nue qui s’anime sous les mauvais traitements d’un fils névrosé, un manteau chiffoné livrant sans fin une impressionnante collection d’objets divers, on ne comprend pas que ce haillon ait pu contenir tout ça: c’est magique.
Quand, benoîtement, ce faux clown mais vrai envoûteur prétend être à court d’idées et de gags et demande à la salle ce qui lui ferait plaisir, c’est un feu d’artifices, artifices au sens propre. Quel que soit ce qu’on lui demande, du plus banal au plus trivial, il s’exécute. Et c’est bluffant car s’il a malicieusement prévu certaines des suggestions, il sait immédiatement improviser pour les autres.
Drôle et tragique à la fois, le clown est là, face aux spectateurs, sûrs de rire grâce à lui, avec lui et de lui. Dans sa logique de clown, tout cela est bien réel. Il voudrait qu’on le croie, mais… pouvons-nous le croire?
Yann Frisch, passionné tout petit par la magie s’est formé à l’École du cirque du Lido de Toulouse, il apprend le jonglage et la technique du clown. Il est consacré champion de France et d’Europe de magie avec un numéro, Baltass (voir ci-dessous) qu’il adapte en partie dans Le syndrome de Cassandre.
De la magie et de l’art du clown, Yann Frisch propose une synthèse inédite et subversive qui, derrière son comique keatonien nous renvoie à de vraies interrogations. N’hésitons pas à rire de ce magicien déguisé en vaurien drôlement dépressif, même si on sait bien que nos maux et ceux du monde ne se résolvent pas en quelques tours de passe-passe, ceux par lesquels cet artiste complet nous illusionne pour de vrai.
Le syndrome de Cassandre – Yann Frisch – Paris, théâtre du Rond-Point
jusqu’au 10 avril 2016
Creil – La Faïencerie le 16 avril 2016
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