IN: « Un jour nous serons humains » et « Religieuse à la fraise ». Sujets à vif!
Dans « Un jour nous serons humains » et « Religieuse à la fraise », l’humanité se conjugue au passé ou au futur. Chaque pièce montre un duo étrange, à la frontière de l’homme et du monstre. Une réflexion sur les limites de l’humanité en deux volets, sur le mode tragique d’un chant de deuil, puis dans le langage chorégraphique d’une danse nuptiale.
Le jeune homme qui évolue lentement autour d’elle compense, quant à lui, son mutisme par des mouvements des bras et du corps saccadés, propulsés comme des ressorts. Avec une solennité majestueuse, dans l’hyper-élégance noire de leurs vêtements de deuil, les deux comédiens (Marik Renner et Emmanuel Eggermont) semblent incarner deux formes d’autisme complémentaires. L’un comme l’autre exprime l’impossibilité de la rencontre, l’emprisonnement dans des logiques, des grammaires incompatibles. Très vite, le cadre de l’asile où tout se termine vient se substituer à la riche propriété. Les phrases qui évoquent la fin, l’immobilité reviennent comme des leitmotiv : « stopper net là, s’arrêter net là« … Ces deux sujets à vif semblent mus par un passé trop lourd à porter, où l’humanité a été engloutie.
Dyptique
L’humour et la vie reviennent avec force dans Religieuse à la fraise, après une courte pause. Dans l’embrasure d’une porte, un colosse de 120 kg apparaît. Il fait quelques pas, se baisse, et on découvre une créature fluette accrochée à son dos. Pendant une demi-heure trop courte, Olivier Martin-Salvan et Kaori Ito jouent la bête à deux dos dans le jardin de la Vierge qui évoque un nouveau Paradis originel où l’humanité n’aurait été qu’ébauchée. La belle et la bête semblent d’abord un éléphant que vient émoustiller une mouche importune, deux babouins en chaleur, des demi-dieux en transe. Aux sons inarticulés d’animaux de la jungle succèdent quelques paroles proférées dans une langue étrangère: là encore l’humanité semble lointaine, inconnue, mais les corps sont inséparables, comme attirés par des aimants.
Dans ce magnifique diptyque, chaque volet vaudrait séparément mais prend une signification évidente de ce rapprochement : les sujets sont à vif, à cause du deuil dans la première pièce, grâce au désir dans la seconde. Deux formes de libido sont mises en scène, la pulsion de mort mélancolique puis l’énergie vitale et sexuelle. On est contents de terminer par la seconde.
Sujets à vif, Un jour nous serons humains et Religieuse à la fraise, c’était au Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph. A voir dans le Live de Culturebox.
Religieuse à la fraise ,16, 30, 31 juillet et 1, 3, 7, 8, 9 août 2014 au Festival Paris quartier d’été.
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