Igit à l’ombre des remparts: du funambule, la certitude intranquille et barbue

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Obligé d’admettre que cet artiste, distraitement entendu chez TF1, vous bluffe dans les 45 petites minutes de sa romance enchantée et de son off. Il a une gueule, une vibration qui fait la gravité de la voix ou la chanson à texte et un galure qui n’a rien à cacher. Une guitare, un piano jouet, une boule à facettes et une jauge, salle Moustaki, de 70 spectateurs. Autant de chanceux!

Étourdi par le cagnard à la sortie du Théâtre de l’Arrache-Cœur, séduit et donc moins distrait, j’entame une balade sur le net. « The Voice a marqué les spectateurs et les jurés ». Normal, il détonnait. Imagine-t’on Macron chez Hanouna? Oups, oui, pardon. Ce fut, dit-il, « une bonne expérience ». De patronyme Antoine Barreau et de jeunesse parisienne, il aurait la trentaine, aurait commencé dans la rue « en gueulant » (il est cité), trop flemmard pour installer un micro et un baffle portatif. De quoi vous faire une voix au rauque « qui aguiche » (sic!) et de quoi gagner, tout à la surprise du flâneur, quelques pièces dans l’étui ouvert pour des jours meilleurs. Ce qui vous fait aussi, sur le pavé, les assignations bluesy, et l’occasion de chanter en anglais. 

 

Dans la rue, tu jouis d’une liberté totale, sans barrière. Tu fais durer tes chansons le temps nécessaire, tu happes le passant au gré des hasards, des regards, tu n’imposes rien, tu surfes sur le temps qui passe… La rue m’a appris des trucs précieux. La perception du public sur ta musique, ne dépend pas tant de sa qualité, que de ton énergie intérieure. J’en ai tiré des enseignements, qui m’ont aidé à travailler sur moi-même, sur mes interprétations.
Igit, RFI Musique, 30 août 2016.

-Tiret suivant du « webtelling ». À pas d’âge, quatre ans, il aurait donné son premier concert, devant ses parents en chantant Ouh ouh baby I love you, avec un micro fabriqué en lego sans qu’il soit dit quand il a tué le père ou quitté la maison familiale. L’adolescence venue, il se serait passé dans la ville d’Un homme et une femme (oui, Deauville!) et en boucle Chambre avec vue. Un choc! 100% d’encore. Merci Lelouch et Salvador: il sera chanteur et écrira en français de quoi le faire en autant de fragments ciselés d’un discours amoureux. Sur ses chemins de traverse, les mille boulots à épinards sans forcer sur le beurre; le Canada; des compositions,« un peu barrées » dit-il, pour la danse contemporaine; la Slovénie; un studio délocalisé pour produire ses compagnons de galère. Toujours, il travaille la rocaille de sa voix fumeuse (Tom Waits pas loin mais Allain Leprest plus près) et l’accompagne à la gratte. Ça blues, ça groove au poil et c’est bien écrit. De quoi flirter tranquillement, de Lisboa à Jérusalem (« Adorable » chanson s’enthousiasme – ce n’est pas rien – Souchon), avec le top huit sélectif de l’Eurovision chez France 2.
Trois hasards de clics plus bas, on lui trouve comme références juvéniles Bob Marley et la veine reggae française. Puis Ben Harper, Niang Mahmoud Tété. Enfin Brel et Brassens, nos incontournables de la chanson à texte. Et c’est sur ce terrain que le garçon impose aujourd’hui sa rime.

Après deux EP, des maxi 45 tours, Like Angels Do, autoproduit, et Les Voiles, financé participativement, il sort de Ma solitude et, sur sa page Facebook, est ravi d’annoncer, la sortie, un an plus tard, en 2016 d’un premier album, Jouons.  
« Sans nostalgie de l’enfance, j’avais envie de défendre la liberté, d’assumer une certaine légèreté, de ne pas prendre l’existence trop au sérieux. Malgré le bad trip généralisé, la sinistrose actuelle, la vie reste belle : il suffit de l’observer… et de s’amuser ! »              
À cette aune d’une « certaine légéreté », rien de plus simple que Noir et blanc, un duo avec Catherine Deneuve, question d’âge!

 

 

 

On cherchait quelqu’un avec qui la chanter. Je voulais vraiment que ce soit une chanson un peu vraie, donc il fallait une personne un peu plus âgée qui puisse tenir ce rôle. Un jour, je passais devant une colonne Morris et il y avait une photo de Catherine Deneuve et j’ai envoyé un texto à mon label. Deux jours après, elle a dit qu’elle était d’accord et qu’elle avait adoré la chanson …

Igit sur RTL.

Et merci àThe Voice (décidement!) que la star aurait regardé…
La critique ensence aussi Joie. « … si tu me quittes, tu n’iras pas très loin / Je sais où tu habites et je sais d’où tu viens » dit le refrain que souligne un beat électro « dans la veine des tubes de Stromae ». Ah, bon! La musique électronique (synthés analogiques et séquenceurs) a certes pu faire son affaire, mais à trop comparer on raterait sa singularité. 
« Igit » est donc le nom de scène de cet Antoine qui gagne à être mieux écouté (« mea culpa »). Quatre lettres qui cependant sonnent bien mystérieusement et dont il garde en ses secrets l’origine… 
Voilà ce qu’une barre de recherche vous moissonne. Mais on manquerait un essentiel si on oubliait cette petite jauge avignonnaise. En moins d’une heure se donnent le récit d’une rencontre sur les bords du Rhône et un poème à la première fois et à celle dont sait que … Ça se parle, ça se chante tout uniment. Igit emporte par la main et la voix sur le chemin d’une bluette, à tous les sens du terme: l’étincelle, la simplicité, l’évanescent. Il a du funambule la certitude intranquille et barbue.      

 

Igit au Théâtre de L’Arrache-Cœur. Avignon 2018

  

Igit

Théâtre de l’Arrache-Coeur, Avignon

12H jusqu’au 29 juillet 2018  

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